Angela Merkel et son parti conservateur ont échoué dimanche soir à forger une coalition pour diriger le pays, plongeant l'Allemagne dans une crise politique inédite qui pourrait signer la fin de la carrière politique de la chancelière.
En Allemagne, après plus d'un mois de laborieuses tractations entre démocrates-chrétiens (CDU-CSU) d'Angela Merkel, écologistes et libéraux, ces derniers ont jeté l'éponge dimanche 19 novembre. "Il est préférable de ne pas gouverner que de mal gouverner", a déclaré à la presse à Berlin le président du parti libéral FDP, Christian Lindner, avant de quitter les lieux des discussions.
Christian Lindner a jugé qu'il n'y avait pas suffisamment "de positions communes et de confiance mutuelle" pour envisager un gouvernement de coalition de ce type pour les quatre ans à venir.
Le président Steinmeier exhorte les partis au compromis
La chancelière Angela Merkel a de son côté déploré cet échec. "C'est un jour de grande réflexion sur la manière d'avancer en Allemagne", a-t-elle déclaré à la presse, visiblement fatiguée. "En tant que chancelière, je ferai tout pour garantir que ce pays soit correctement dirigé au cours des difficiles semaines qui s'annoncent."
Elle s'est rendue lundi à la mi-journée à la résidence présidentielle pour informer le chef de l'État, Frank-Walter Steinmeier, de la situation pour lui faire part de son échec.
De son côté, le président allemand a exhorté, lors d'une allocution télévisée, la classe politique à retourner à la table des négociations pour former un gouvernement, écartant dans l'immédiat des législatives anticipées.
"Tous les partis politiques élus au parlement allemand ont une obligation envers l'intérêt commun de servir notre pays", a-t-il souligné. "J'attends de tous une disponibilité à discuter pour rendre possible un accord de gouvernement dans un proche avenir", a-t-il poursuivi.
Divisions au sujet de l'immigration
Au cours des tractations, les différentes formations politiques ont notamment été incapables de trouver un terrain d’entente en ce qui concerne l'immigration et les suites de la politique généreuse d'accueil des demandeurs d'asile d'Angela Merkel en 2015 et 2016.
Les libéraux et les conservateurs, en particulier les alliés bavarois très à droite de la chancelière (CSU), réclamaient une politique migratoire plus restrictive. Ils demandaient que le nombre de réfugiés soit limité annuellement à 200 000 et refusaient que tous puissent bénéficier du regroupement familial.
Le regroupement familial est à l'inverse pour les Verts un point essentiel, au nom de la tradition humanitaire du pays et d'une intégration réussie des immigrés.
Les partis se sont aussi écharpés sur les questions environnementales, les écologistes trouvant insuffisants les efforts envisagés pour réduire la pollution automobile ou celle des centrales au charbon du pays.
Autre point de discorde : la fiscalité. Les libéraux exigeaient davantage de baisse ou suppression d'impôts, en particulier une taxe dite "de solidarité" servant à soutenir les régions économiquement défavorisées de l'ex-RDA.
Merkel fragilisée
Cet échec est aussi celui, personnel, d'Angela Merkel, au pouvoir depuis 2005, qui avait initié les négociations à quatre.
Il intervient alors qu'elle est sortie déjà fragilisée des élections législatives après le score décevant de son parti, où son cap centriste est de plus en plus contesté par l'aile droite du mouvement.
Un échec du gouvernement "signifierait aussi sa fin" politique, a estimé durant la dernière ligne droite des négociations le politologue allemand Frank Decker sur la chaîne de télévision parlementaire nationale.
Habituée des longs marathons de négociations au plan européen, Angela Merkel peut encore en théorie proposer aux quatre partis de reprendre le dialogue après une pause. Mais les divergences de fond demeurent. Les sociaux-démocrates, avec qui elle pourrait aussi arithmétiquement former une coalition majoritaire, ont réitéré dimanche leur refus.
Avec AFP