Le tennis a la cote au cinéma. Après "BORG/McENROE", place à "Battle of the sexes". Mais derrière ce match entre une femme, King, et un homme, Riggs, se cache l’histoire vraie d’un combat pour l’égalité des sexes et la liberté des orientations sexuelles.
Il y a 44 ans, le 20 septembre 1973, Billie Jean King, star du tennis âgée de 29 ans, battait à plate couture l’ancien numéro un mondial retraité Bobby Riggs, 55 ans. La victoire sportive d’une femme sur un homme suivie par plus de 30 000 spectateurs depuis les gradins de l’astrodôme de Houston, et quelque quarante-huit millions de téléspectateurs derrière leur poste de télévision – l’équivalent d’une audience de Super Bowl à l’époque.
"Le tennis féminin est inférieur à celui pratiqué par les hommes"
Il faut dire que les deux joueurs avaient su faire monter la pression pendant des semaines. Entre conférences de presse et échanges de balles devant les photographes, Bobby Riggs avait étalé sans complexe ses réflexions machistes : "Le tennis féminin est inférieur à celui pratiqué par les hommes, aucune joueuse en activité ne pourrait jamais venir à bout d’un retraité. La place des femmes est dans la chambre à coucher et dans la cuisine. Je veux battre Billie Jean pour tous les mecs qui vont se marier, dont les épouses ne les laisseront pas jouer au poker le vendredi soir ou aller à la pêche le week-end."
Billie Jean King, arrivée sur le court déguisée en Cléopâtre et portée par une tripotée d’hommes torses nu, avait choisi d’offrir un petit porc, bien vivant, à son adversaire fièrement vêtu d’un K-Way jaune floqué de la mention "Sugar Daddy". Avant d’enchaîner, plus compétitrice que jamais, les smashs du revers et les reprises de volée. Et de plier le match en à peine plus de deux heures par trois sets à zéro.
Pour l'égalité salariale
Cette victoire symbolique et médiatique marque un tournant dans l’histoire du tennis féminin. Quelques semaines plus tôt, Billie Jean King avait créé la Women’s Tennis Association (WTA), le syndicat des joueuses de tennis qui existe toujours aujourd’hui. Avec d’autres, la championne s’est battue pour que les femmes soient aussi bien payées que les hommes sur les courts, allant jusqu’à boycotter les tournois du Grand Chelem tant que la parité des gains ne serait pas respectée.
1973 marque ainsi la première année de l’égalité salariale entre hommes et femmes à l’US Open. Mais il faudra attendre encore trente ans pour que l’Open d’Australie, en 2000, puis Roland-Garros et Wimbledon, en 2007, adoptent les mêmes conditions.
"Je n’étais pas à l’aise dans ma peau jusqu’à mes 51 ans"
Outre son combat médiatique pour l’égalité des femmes, Billie Jean King s’est aussi battue pour les droits des LGBT après avoir refusé d’admettre son homosexualité pendant de longues années. Née dans une famille pieuse, de parents homophobes, elle raconte au Guardian : "Je n’étais pas à l’aise dans ma peau jusqu’à mes 51 ans. Ça a été un long parcours. Il y avait tellement de pression à ne pas être 'comme ça'". "Outée" contre son gré en 1981 par son ancienne coiffeuse avec qui elle avait eu une relation, Billie Jean King avait perdu à l’époque tous ses sponsors.
Aujourd’hui, l’ex-championne de tennis, incarnée parfaitement par Emma Stone à l’écran, espère que ce film "aidera les enfants et les jeunes gens motivés à se battre pour l’égalité et la liberté, et pour la communauté LGBT+". Un idéal partagé par les réalisateurs de "Battle of the sexes", Jonathan Dayton et Valérie Faris, à qui l’on doit déjà "Litte Miss Sunshine", comme ils l’ont expliqué au média belge Le Soir : "Nous voulons ouvrir l’esprit des gens (…) Pour qu’ils aient de la compassion pour Billie Jean, puis pour l’ensemble des personnes qui ont d’autres préférences que les leurs. Nous voulons qu’ils soient émus par cette histoire. L’art en général aide les gens à voir les choses dans différentes perspectives."
En 2009, Billie Jean King a reçu la médaille présidentielle de la Liberté des mains de Barack Obama. Elle a depuis aussi fondé la Billie Jean King Leadership Initiative, une organisation qui milite pour l’égalité dans tous les milieux professionnels, et s’est dit "fâchée contre toutes les femmes blanches qui ont voté pour Donald Trump" en 2016. Preuve que même à 73 ans, Billie Jean King continue de mettre des aces aux machos.
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