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La Cour suprême du Cambodge a ordonné la dissolution du principal parti d'opposition du pays, ultime étape du "nettoyage" entrepris par l'inamovible Premier ministre pour faire taire toute dissidence avant les élections de 2018.

La Cour suprême du Cambodge a dissous, jeudi 16 novembre, le principal parti d'opposition du pays. Plus d’une centaine de membres de la formation se sont également vu interdire d’exercer des activités politiques pendant une période de cinq ans.

Le Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP), qui espérait défier le Premier ministre Hun Sen, au pouvoir depuis plus de trente ans, lors des élections législatives de l'an prochain, est accusé de conspirer pour renverser le gouvernement, ce qu'il dément. Cette décision de justice est l’aboutissement de mois de pressions exercées par le Parti du peuple cambodgien, au pouvoir, sur l'opposition, la société civile et les médias indépendants afin de faire taire toute dissidence avant les élections législatives l’année prochaine.

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Cambodge : la Cour suprême dissout le principal parti d'opposition

Signe des tensions dans le pays : avant l’annonce du verdict, le pouvoir cambodgien avait bouclé les rues situées autour de la Cour, à Phnom Penh, la capitale. Depuis des mois, le Cambodge est traversée par une crise politique qui s’est approfondie avec la mise en examen, en septembre, de Kem Sokha, le chef du CNRP, pour "trahison et espionnage". Deux chefs d’accusation passibles de trente ans de prison.

Washington et Bruxelles menacent de sanctions

Les États-Unis et l’Union européenne (UE) ont réagi dès jeudi soir, menaçant de prendre des sanctions à l’encontre de Phnom Penh. "Si les choses suivent leurs cours actuel, les élections de l'année prochaine ne seront ni légitimes ni libres ni justes", lancé la Maison Blanche dans un communiqué. Parmi les premières mesures concrètes annoncées, Washington va cesser de verser des fonds à la Commission des élections nationales au Cambodge.

À Bruxelles, un porte-parole a également averti que les élections perdaient toute légitimité sans l'opposition, notant que le respect des droits de l'Homme était une condition pour avoir accès au programme de préférences commerciales de l'UE. Ce programme - ainsi que les préférences commerciales identiques accordées par les États-Unis - ont permis au Cambodge de bâtir une industrie du textile fondée sur le niveau peu élevé des coûts du travail. L'Union européenne et les États-Unis absorbent ensemble quelque 60 % des exportations cambodgiennes.

Les élections législatives sont prévues pour juillet 2018, mais opposition et défenseurs des droits humains accusent le Premier ministre, Hun Sen, de vouloir se débarrasser de ses opposants. Depuis l'arrestation de Kem Sokha, plus de la moitié des parlementaires du parti ont fui à l'étranger pour échapper à cette nouvelle vague de répression de l'inamovible chef du gouvernement.

"La fin de la véritable démocratie au Cambodge"

Ce dernier avait donné la semaine dernière aux députés du CNRP une dernière chance de se rallier à ses troupes. Seul un député a accepté de jouer les transfuges. Peu après le verdict, Hun Sen a fait savoir que les membres de l'opposition qui n'avaient pas été condamnés pouvaient créer leur propre parti.

Interrogé par l’AFP avant l’annonce de la Cour suprême, Mu Sochua, qui s'est exilée en octobre pour échapper à une arrestation, estimait que la dissolution du CNRP annoncerait "la fin de la véritable démocratie au Cambodge". "Les élections de 2018 n'auront aucun sens sans le CNRP", ajoutait-elle.

À la veille du procès, l'organisation Human Rights Watch (HRW) avait exhorté les juges à "résister aux pressions du gouvernement". "Bien que la Cour suprême soit un organe du parti au pouvoir, elle a une chance historique de faire preuve d'indépendance et de respecter la primauté du droit", avait déclaré Brad Adams, le directeur de HRW en Asie.

À 65 ans, Hun Sen, homme fort du Cambodge depuis trois décennies, est déterminé à rester en place. Outre l'opposition, les médias et les ONG, considérés comme de possibles leviers de mobilisation de l'opinion publique, font l’objet d’une surveillance étroite de la part de Phnom Penh.

Ces dernières années, le Cambodge est devenu l'une des économies les plus performantes d'Asie du Sud-Est. Mais la colère monte parmi la population et surtout les jeunes, lassés de la corruption et de l'accaparement des richesses par une élite proche de Hun Sen.

Avec AFP et Reuters