Le mystère reste entier autour de Saad Hariri, qui a annoncé sa démission du poste de Premier ministre du Liban, samedi depuis Riyad. Le gouvernement libanais et son parti exigent son retour, laissant entendre qu'il est retenu contre son gré.
Le mystère autour de la démission surprise du Premier ministre libanais Saad Hariri, annoncée le 4 novembre dans une allocution télévisée depuis l’Arabie saoudite, a pris une nouvelle tournure ce jeudi 9 novembre.
Le Courant du Futur, le parti politique présidé par Saad Hariri, a exigé, dans un communiqué lu à la télévision, le retour au Liban de celui qu’il désigne toujours comme "le Premier ministre du gouvernement libanais". Lu par l'ancien Premier ministre Fouad Siniora à l'issue de la réunion hebdomadaire du bloc parlementaire du parti, la formation indique implicitement que son chef est retenu en Arabie saoudite.
"Une nécessité"
"Le retour de Saad Hariri est une nécessité pour recouvrer la dignité et pour préserver les équilibres internes et externes du Liban dans le cadre du respect entier de la légitimité du pays (...)", est-il précisé. "Nous sommes à ses côtés et soutiendrons toutes les décisions qu'il prendra, quelles qu'elles soient", a ajouté Fouad Siniora.
Par ailleurs, des informations publiées ce jeudi par l'agence Reuters confortent l’idée avancée par plusieurs médias et responsables libanais selon laquelle Saad Hariri, dont la famille tire sa fortune personnelle et son pouvoir politique de ses relations avec le royaume wahhabite, avait été contraint de prendre cette décision et qu'il n'était pas libre de ses mouvements. Et ce, dans la foulée d’une opération anticorruption ordonnée par le prince héritier Mohamed ben Salmane, qui s’est soldée, le même jour que la démission d'Hariri, par l’interpellation de plusieurs dizaines de princes et de ministres saoudiens.
"Lorsqu'il s'est rendu en Arabie saoudite, il lui a été demandé d'y rester et ordonné de démissionner. Ils lui ont ordonné de lire cette déclaration de démission et il est depuis assigné à résidence", explique une source proche de Saad Hariri, citée par Reuters.
"Libérer" Saad Hariri
Deux sources gouvernementales, également citées par l’agence britannique sous le sceau de l'anonymat, ont affirmé que le Liban considère que Saad Hariri "est virtuellement en état d'arrestation en Arabie saoudite". Et d’ajouter que "restreindre la liberté d'Hariri à Riyad est une attaque commise contre la souveraineté libanaise" et que le gouvernement s'apprêtait "à demander à des pays étrangers et arabes d'exercer une pression sur les Saoudiens afin qu'ils libèrent le Premier ministre Saad Hariri".
Toujours est-il que Beyrouth n'a pas encore officialisé cette mesure, mais le chef de la diplomatie libanaise Gebran Bassil a également appelé Saad Hariri à revenir au Liban. "Nous demandons le retour du chef de notre gouvernement, Saad Hariri, au pays", a-t-il écrit sur Twitter. Le président libanais Michel Aoun a affirmé qu'il attendait son retour avant d'entériner sa démission.
Riyad appelle les Saoudiens à quitter "le plus vite possible" le Liban
Près de 48 heures après avoir annoncé sa démission, Saad Hariri avait été reçu, lundi 6 novembre, par le roi Salmane d'Arabie saoudite. Plusieurs photos de cet entretien ont été publiées par l’agence officielle locale SPA, sans pour autant dissiper les doutes.
Dans un premier temps, la démission de Saad Hariri, qui a surpris à la fois son entourage et ses rivaux politiques, a été perçue comme un nouvel épisode de la lutte que se livrent la monarchie saoudienne et la République islamique d'Iran, entre sunnites et chiites. En annonçant sa démission samedi dernier dans une allocution télévisée enregistrée à Riyad, Saad Hariri avait dit craindre pour sa vie et a accusé l'Iran et le Hezbollah chiite de semer la discorde dans la région.
Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah pro-iranien, a directement accusé le royaume wahabbite d'avoir fait pression sur Saad Hariri, pour l’obliger à démissionner. "Ce n'était ni son intention, ni sa volonté, ni sa décision", a-t-il assuré dans un discours intégralement dédié à ce sujet.
De son côté, l'Arabie saoudite a appelé jeudi ses ressortissants à quitter "le plus vite possible" le Liban. Une source au ministère des Affaires étrangères, citée par l'agence officielle SPA, a également appelé les Saoudiens à ne pas se rendre au Liban, en évoquant sans autre précision "la situation" dans ce pays.
Avec Reuters