Une équipe de chercheurs a annoncé ce jeudi avoir découvert une immense et mystérieuse cavité à l'intérieur de la Grande Pyramide. Cette trouvaille, ils la doivent aux rayons cosmiques. C'est joli dit comme ça, mais c'est-à-dire ?
"C’est la plus grande découverte réalisée depuis le Moyen-Âge !", a déclaré Mehdi Tayoubi, co-directeur du projet ScanPyramids. Depuis fin 2015, cette mission composée de scientifiques originaires des quatre coins du monde examine dans les moindres recoins la pyramide de Khéops, à Gizeh, en Égypte. On aurait pu penser que ce célébrissime vestige archéologique, qui compte parmi les Sept Merveilles du monde, avait depuis bien longtemps livré tous ses secrets – à l’exception de sa méthode de construction, sur laquelle les archéologues ne parviennent toujours pas à s’accorder.
Mais la découverte d’une cavité aussi grande "qu’un avion de 200 places en plein de cœur de la pyramide", annoncée ce jeudi dans la revue scientifique Nature, nous prouve que Khéops reste encore un édifice bien mystérieux. "Il y a énormément de théories sur l'existence d'éventuelles chambres secrètes dans la pyramide (…) Mais aucune d'entre elles ne prédisait l'existence de quelque chose d'aussi grand", a expliqué Mehdi Tayoubi à l’AFP. Cette pièce – si elle en est bien une –, mesurerait au moins 30 mètres de long et n’aurait jamais été rouverte depuis la construction de l’édifice il y a 4 500 ans.
Évidemment, les égyptologues ne vont pas pouvoir empoigner leurs pioches et leurs pinceaux dès demain, à la manière d’un Howard Carter au début du XXe siècle, pour savoir quels éventuels trésors se cachent derrière ces épaisses couches de pierres. De nos jours, de longs processus de validation et de mise en place de méthodologie sont nécessaires avant de telles excavations. D’ailleurs, depuis ses débuts il y a deux ans, ScanPyramids n’emploie que des modes de fouilles "non invasifs et non destructeurs", s’appuyant essentiellement sur deux technologies : la thermographie infrarouge, qui consiste à faire parler les températures, et la muographie, qui, elle, interroge les muons.
Les muons, ces "gros" électrons bavards
Appelés aussi "électrons lourds", les muons sont, dans les grandes lignes, des particules élémentaires de charge électrique négative. Possédant les mêmes propriétés que les électrons, ils se distinguent toutefois d’eux par leur masse, 200 fois plus élevée. Les présentations sont faites. Mais ils n’existeraient pas sans l’intervention des rayons cosmiques qui les "génèrent" lorsqu’ils atteignent la Terre. Plus concrètement, lorsqu’un rayon cosmique entre en contact avec l’atmosphère, il émet des particules : les fameux muons.
Lorsqu’ils se baladent en grand nombre quelque part, c’est bien parce que rien n’a barré leur route et qu’ils évoluent dans un "vide"
Une fois libérés, ces muons vont "tomber" sur les objets de notre monde, dont les murs des pyramides. Ils ont même, à la manière des fantômes, la capacité de les traverser… avant de disparaître presqu’aussi vite qu’ils ne sont apparus. Sachez par exemple qu’à chaque instant, des muons passent à travers notre corps. Là où ils sont intéressants, c’est qu’ils ont aussi tendance à se faire absorber par les matériaux de notre monde. Alors lorsque la muographie – soit la technique qui permet de les observer – indique qu’ils se baladent en grand nombre quelque part, c’est bien parce que rien n’a barré leur route et qu’ils évoluent dans un "vide".
Un vide détecté sur plus de 30 mètres juste au-dessus de la "grande galerie" (le couloir monumental qui mène à la chambre principale du roi) par l’équipe de ScanPyramids. "Les pyramides n'ont pas de grands vides comme cela. Quelques centimètres, un ou deux mètres ici ou là, peut-être", a assuré Hany Helal, professeur à l’université du Caire, à l’Obs.
Les différentes techniques de muographie
Cette méthode qui consiste donc à enregistrer la densité des flux de muons peut être appliquée de deux façons : au moyen d’appareils électroniques, comme les télescopes à muons, et à l’aide de plaques sensibles aux particules, à la manière des pellicules photographiques. On rapproche aussi souvent cette technologie de la radiographie par rayon X, qui fonctionne à vrai dire sur le même principe, à la différence qu’il faut faire intervenir beaucoup plus de muons que de rayons pour obtenir une image à peu près parlante.
Si cette exploitation des rayons cosmiques pour faire parler les murs peut sembler tout à fait novatrice, elle existe pourtant depuis de longues décennies : près de 20 ans après la découverte de l’existence des muons, un premier essai de mesure a eu lieu en Australie en 1936. Toutefois, c’est au prix Nobel de physique américain Luis Walter Alvarez que l’on attribue le tout premier muogramme, qu’il réalisa en 1970 au sein d’une autre pyramide de légende : celle de Kephren, petite sœur de Khéops.
Une méthode qui a déjà fait ses preuves
La muographie avait déjà permis à ScanPyramids de faire deux autres découvertes à Khéops en 2016 : une cavité d'environ 9 m2 située sur l'arête nord-est de la pyramide avait été repérée par des télescopes déployés à l'extérieur et une autre, située derrière les chevrons monumentaux de la face Nord de la pyramide avaient été "photographiés" depuis l'intérieur du bâtiment.
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