Le gouvernement de Mariano Rajoy a décidé samedi d'activer l'article 155 de la Constitution espagnole pour reprendre la main sur la région autonome de Catalogne. Que signifie cette procédure, encore jamais utilisée par Madrid ? Éléments de réponses.
Après avoir brandi à plusieurs reprises la menace du fameux article 155 de la Constitution, le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy a fini par activer son processus, samedi 21 octobre. Objectif : reprendre le contrôle de la région autonome de Catalogne, qui aspire à déclarer son indépendance après le référendum du 1er octobre.
Que dit l'article 155 ?
"Si une communauté autonome ne respecte pas les obligations qui lui sont imposées par la Constitution ou par d’autres lois, ou agit d’une manière qui porte gravement atteinte à l’intérêt général de l’Espagne, le gouvernement [pourra] adopter les mesures nécessaires pour l’obliger à respecter les dites obligations, ou pour la protection de l’intérêt général."
Une formulation simple mais "trop vague", estime la maîtresse de conférence et spécialiste de l'Espagne Carole Vinals, "ce qui rend son application délicate". "Il n'est donc pas approprié de parler de suspension de l'autonomie, puisqu'elle n'est pas clairement explicitée dans ce texte", précise-t-elle.
S'agit-il d'une procédure exceptionnelle ?
Le statut autonome de la Catalogne, qui remonte à 1932, a été supprimé pendant la dictature de Francisco Franco (1939-1975).
Mais depuis l'adoption de la Constitution en 1978, qui a permis à la Catalogne de renouer avec son autonomie (en 1979), l'article 155 n’a jamais été appliqué. L'Espagne est en fait divisée en 17 communautés qui disposent toutes d'un régime plus ou moins décentralisé.
À noter qu'une telle loi est également inscrite dans les Constitutions allemande et italienne, deux pays également décentralisés.
Qu'est-ce que ce texte signifie concrètement pour la Catalogne ?
En théorie, toutes les compétences prévues par le statut d’autonomie de la Catalogne pourraient être reprises en main par le gouvernement espagnol : la santé, l’éducation, l’administration ou encore la police. Dans les faits, le gouvernement espagnol en détaillera vendredi les contours devant le Sénat. Plusieurs mesures pourraient être annoncées :
- Madrid entend prendre le contrôle total des finances de la Catalogne, ce qui laisserait sans aucune ressource le gouvernement catalan et priverait ses dirigeants de leurs salaires.
- La police régionale, les fameux mossos d’esquadra, pourraient aussi être placés sous la tutelle du ministère de l’Intérieur.
- Le parlement catalan pourrait aussi être suspendu, au même titre que des fonctionnaires et des élus. En clair : le président de la Catalogne Carles Puigdemont perdra tous ses pouvoirs et cessera d'être rémunéré. Le préfet de la Catalogne assurerait l'intérim, a avancé la vice-présidente du gouvernement espagnol Soraya Saenz de Santamaria.
Quand pourrait-il être mis en application ?
Le chef du gouvernement espagnol doit d’abord sommer le président de la région concernée de revenir à l’ordre constitutionnel, ce qu’il a fait le 11 octobre. Mariano Rajoy doit ensuite détailler les mesures exceptionnelles devant le Sénat qui doit les valider, ce qui ne sera pas un problème puisque les conservateurs de Mariano Rajoy y sont majoritaires.
Combien de temps peut-il être appliqué ?
D’un point de vue légal, il n’existe aucune limite de temps. Selon la Constitution, la reprise en main de la région doit être appliquée jusqu'à ce que la situation de "normalité constitutionnelle" soit rétablie. Madrid prévoit l'organisation d'élections régionales début 2018 en Catalogne.
Et la Catalogne dans tout ça ?
Reste que les catalanistes n'ont pas dit leur dernier mot. En cas d’élections anticipées, les partis indépendantistes ont annoncé qu’ils ne participeraient pas à ce scrutin qu’ils jugent non légitime, commente Carole Vinals. "Ce qui risque fortement d’accentuer le fossé entre la population et leurs instances régionales", ajoute-t-elle.
De son côté, le président de la Generalitat Carles Puigdemont a la possibilité de dissoudre le parlement catalan et de convoquer des élections anticipées avant même la mise en application de l'article 155, et prendre ainsi de court Madrid.