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Après onze jours, le procès du frère de Mohamed Merah qui se tient jusque début novembre n'a pas encore livré de certitudes, mais plusieurs récits glaçants du parcours meurtrier du tueur au scooter de 2012, ainsi que de sa radicalisation en prison.

Une cour d’assise spéciale tente depuis onze jours, en dépit de l'absence de preuves irréfutables, d’évaluer le degré de responsabilité d’Abdelkader Merah dans les agissements de son petit frère, Mohamed Merah. Ce dernier a tué sept personnes à Toulouse et à Montauban en mars 2012, dont trois militaires, trois écoliers juifs et le père de l’un d’eux, avant d’être abattu le 22 mars 2012 lors de l’assaut de son appartement par la police. Retour sur trois faits marquants du procès qui doit se tenir jusque début novembre.

  • Le récit de la radicalisation de Mohamed Merah en prison

La cour d’assise a notamment examiné les conditions de la radicalisation de Mohamed Merah, qui se serait déroulée derrière les barreaux.

Incarcéré en janvier 2008 suite à un vol de sac à main, il est condamné à dix-huit mois fermes : "il avait un sentiment d'injustice", selon un commandant de police d'une section antiterroriste. C’est à un événement qui s’est déroulé un mois plus tard que Mohamed Merah fait remonter sa conversion à l'islam : alors interrogé par des gendarmes concernant une affaire où il était impliqué, il échappe à une nouvelle condamnation, faute de preuve. "Pour lui, une aide divine l'aurait sauvé", a expliqué un policier.

Merah se lance alors dans une pratique religieuse assidue, selon plusieurs témoignages de codétenus. "[Il] pratiquait les cinq prières [de l'islam]", raconte l'un. "Il voulait pas que j'écoute de la musique", livre un autre. "Il m'avait demandé combien de personnes on pouvait écraser avec un camion", précise le premier détenu, un procédé depuis utilisé par des terroristes, à Nice et à Berlin notamment.

"C'est une épreuve mais je sais précisément ce que je vais faire en sortant. Je souhaite qu'Allah me venge de ces kouffars" (non-croyants), confiait Mohamed Merah dans une lettre à son frère Abdelkader, selon un policier.

  • Le témoignage glaçant d’un bénévole survivant de l’école juive

Au huitième jour d’audience, des témoins ont raconté la tuerie de l’école Ozar Hatorah de Toulouse. "C'était une exécution, précise, ciblée, sans hésitation", décrit Yacob Soussan, bénévole survivant de l'école et partie civile au procès. "J'étais venu assister à la prière de 8 heures. Je conduisais un camion que j'avais emprunté à l'école, et j'ai salué Jonathan Sandler et ses deux enfants qui patientaient devant l'entrée", a-t-il expliqué.

"C'est alors que j'ai vu un homme portant un casque traverser la rue et s'approcher de Jonathan pour l'insulter. Je n'ai pas vu son visage, mais j'ai senti sa haine. (…) L'homme a fait un mouvement circulaire, mais je n'ai pas vu qu'il avait une arme automatique [un pistolet mitrailleur Uzi, qui s'est enrayé, ndlr], puis il a sorti un revolver et a tiré à bout touchant sur Jonathan Sandler et ses deux enfants".

Une autre enfant, Myriam Monsonego, 8 ans, prend alors la fuite vers la cour de l'école. Dans la précipitation, l'enfant perd son cartable et tente de retourner le chercher. "Il a tiré à bout touchant sur elle, j'ai entendu un autre tir et je l'ai vu revenir vers moi. Il a alors pris son arme et a fait feu sur le haut du capot de mon camion, avant de remonter sur son scooter et de repartir en trombe", a poursuivi le témoin.

  • Les regrets d'Abdelkader Merah

Après le récit de Yacob Soussan, qu'il a qualifié "d'insoutenable", Abdelkader Merah a pour la première fois exprimé des regrets sur les tueries commises par son frère : "J'éprouve un mélange de tristesse, de honte et de regrets", a-t-il déclaré à la cour, affirmant avoir évolué en prenant conscience de "la tristesse des familles des victimes".

Avec AFP et Reuters