Les résultats des élections législatives allemandes, avec une possible coalition entre la CDU-CSU d’Angela Merkel, le FDP et Les Verts, ne sont pas une bonne nouvelle pour la réforme de la zone euro souhaitée par Emmanuel Macron.
La tâche se complique pour Emmanuel Macron. Dans l’optique de la réforme de la zone euro qu’il souhaite entreprendre, le président de la République a suivi avec attention, dimanche 24 septembre, les résultats des législatives allemandes et le bon score du Parti libéral-démocrate (FDP) de Christian Lindner.
Alors qu’Angela Merkel est restée ouverte aux propositions d’Emmanuel Macron et que son ancien allié, désormais dans l’opposition, le SPD de Martin Schulz, les approuvent, le FDP, probable futur partenaire de la chancelière allemande, se montre beaucoup moins conciliant.
Le président français a proposé ces derniers mois de réformer l'Union européenne, notamment grâce à la création d’un budget de la zone euro et d’un poste de ministre des Finances pour les pays de l’union monétaire. Mais Christian Lindner n’a pas fait mystère de son opposition à un tel projet.
"Nous ne voulons pas de nouveaux budgets pour des transferts financiers en Europe"
"Nous ne voulons pas de nouveaux budgets pour des transferts financiers en Europe, a-t-il prévenu. Un budget de la zone euro – Emmanuel Macron parle de plusieurs points de PIB et cela représenterait plus de 60 milliards d'euros pour l'Allemagne – où l'argent atterrirait en France pour les dépenses publiques ou en Italie pour réparer les erreurs de Berlusconi, serait impensable pour nous et représenterait une ligne rouge."
"Une coalition entre la CDU-CSU et le FDP est un problème pour Emmanuel Macron car Christian Lindner est très ferme sur l’orthodoxie budgétaire, explique Marion Gaillard, docteur en histoire spécialiste des relations franco-allemandes, enseignante à Sciences-Po, interrogée par France 24. Mais il n’est même pas certain qu'Angela Merkel parvienne à monter cette coalition puisque Les Verts, un parti avec une forte tradition pro-européenne, vont devoir y être intégrés et que les divisions sont extrêmement importantes sur de nombreux sujets."
Les Verts prônent en effet "la fin de la politique unilatérale des économies" en Europe, alors que le FDP, historiquement lui aussi pro-européen, a opéré un virage plus eurosceptique ces dernières années et souhaite profiter du surplus budgétaire allemand pour baisser les impôts des contribuables nationaux, pas pour aider le reste de l'Europe.
Tout dépendra donc des discussions à venir entre la CDU-CSU, le FDP et Les Verts et de ce qui sera inscrit dans le contrat de coalition. "On entre dans une phase de négociations qui peut être longue et lors de laquelle la question européenne pourrait constituer l'un des points d’achoppement", souligne Marion Gaillard.
Pour l’Élysée, "il est important" de peser sur les négociations de la coalition allemande
Pour mettre toutes les chances de son côté, Emmanuel Macron, qui n’a pas ménagé ses efforts depuis son élection pour consolider un lien fort entre Paris et Berlin, indispensable selon lui pour "refonder" l’UE après le séisme du Brexit, espère peser sur les négociations.
Le président français s’est déjà entretenu à deux reprises avec Angela Merkel depuis dimanche, selon l’Élysée. Et il doit prononcer mardi à la Sorbonne un "discours sur l’Europe" dans lequel il détaillera ses propositions pour relancer l’Union européenne, avec en particulier un renforcement de l’union économique et monétaire.
"Le chef de l’État ne veut pas presser qui que ce soit avec ses propositions européennes, mais il est important d’être entendu suffisamment tôt dans les négociations de la coalition allemande", ont fait savoir des sources à l’Élysée. Un budget de la zone euro "sera à terme nécessaire", a dit l'une de ces sources, précisant qu'Emmanuel Macron ouvrirait "un processus" en ce sens lors de son discours à la Sorbonne.
Le timing et le contenu de ce discours montrent en tout cas que l’Élysée sait aussi voir le verre à moitié plein au lendemain des élections outre-Rhin : avec un voisin allemand sans gouvernement durant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, Emmanuel Macron compte bien en profiter pour replacer la France en leader de la construction européenne.