
Le 11 mars 2011, dans le nord-est du Japon, un séisme et un tsunami provoquaient à Fukushima la plus grave catastrophe nucléaire depuis Tchernobyl. Comme en ex-URSS, le Japon a évacué une vaste zone autour de la centrale, mais contrairement aux Soviétiques, Tokyo a tout fait depuis pour reconquérir ces territoires perdus. Les autorités tâchent maintenant de convaincre les 80 000 anciens résidents de ce no man’s land de revenir chez eux. Notre équipe de correspondants enquêté sur ces initiatives.
Installés au Japon depuis la catastrophe nucléaire de Fukushima, nous avons suivi pas à pas l’évolution de la "zone rouge" autour du site accidenté. Nous avons parcouru ses rues désertes et ses habitations dévorées par la végétation et les animaux. Puis, rapidement, nous avons vu débarquer des centaines de pelleteuses et des milliers d’ouvriers chargés de décontaminer le no man’s land. Troisième puissance mondiale, le Japon n’a pas lésiné sur les moyens pour reconquérir ces territoires perdus à la radioactivité. Et dans une certaine mesure , il y est parvenu puisque la moitié de la zone interdite a rouvert. Y compris des villes situées à moins de 10 km de la centrale de Fukushima !
Des poupées pour peupler les lieux déserts
Mais il ne suffit pas de rouvrir les villes pour que les anciens habitants – évacués du jour au lendemain il y a 6 ans – acceptent de revenir. C’est la grande leçon de Fukushima. Les chiffres varient selon les villes mais on considère qu’en moyenne, seuls 10 % des "réfugiés du nucléaire" sont revenus vivre dans la zone évacuée. Voilà pourquoi le gouvernement, les associations et les autorités locales multiplient les initiatives pour convaincre les habitants de revenir et faciliter leur retour.
Et certains projets peuvent surprendre. Par exemple, à Naraha, l'une des premières villes à avoir rouvert, un groupe de personnes âgées s’est mis à fabriquer des poupées grandeur nature pour peupler des commerces et des lieux publics toujours déserts. À Tomioka, ce sont les chasseurs qui ont repris leur fusil pour éliminer les sangliers et les ratons-laveurs qui ravagent les habitations.
Afflux de nouveaux habitants
Le gouvernement, de son côté, tente d’insuffler un nouvel espoir dans cette zone meurtrie. Une agence gouvernementale est ainsi en train d’ouvrir trois centres high-tech dédiés au démantèlement nucléaire pour attirer la fine fleur des chercheurs japonais et internationaux dans les environs. Une façon indirecte de repeupler la région.
Finalement, à défaut des anciens habitants, c’est une nouvelle population qui est en train d’investir l’ancien no man’s land. Des milliers d’ouvriers en décontamination, en construction ou encore des ingénieurs en nucléaire cherchent ainsi à habiter plus près de leur lieu de travail. Ils s’installent dans des bâtiments neufs ou bien dans les anciennes habitations des réfugiés du nucléaire, ravis de céder leur bien. Aussi hallucinant que cela puisse paraître, un agent immobilier que nous avons rencontré dans l’un des rares hôtels des environs nous confiait que les prix de l’immobilier flambaient dans l’ancien no man’s land !