logo

Depuis la mi-2015, le Burkina Faso est frappé par une succession d'attaques terroristes, les premières de son histoire. Celle de dimanche soir à Ouagadougou fait tristement écho à l'attentat similaire de janvier 2016, dans la même ville.

L’attaque meurtrière de dimanche 13 août au soir au restaurant Istanbul, à Ouagadougou, ravive le douloureux souvenir de l’attentat du café Cappuccino, il y a un an. Tirs à l’arme lourde sur une terrasse fréquentée par des expatriés, combat avec les forces de l’ordre et baroud d'honneur des assaillants, l'attentat n’est pas encore revendiqué, mais le mode opératoire semble terriblement similaire.

L’évènement est d'autant plus dramatique que jusqu'il y a seulement deux ans, le "pays des hommes intègres" semblait épargné par les attaques des jihadistes, notamment d'Al-Mourabitoune, Aqmi et Ansar Dine, pourtant actifs au Mali et au Niger voisins. Mais depuis le premier trimestre 2015, les bandes armées n'hésitent plus à traverser la frontière et les attaques contre les forces de sécurité se multiplient.

Le Burkina Faso au défi des ambitions transnationales des jihadistes sahéliens

Multiplication des attaques dans le Nord

En tout, une vingtaine d'attaques terroristes ont touché le nord du pays, aux confins du Mali et du Niger, ces deux dernières années, faisant près de 70 victimes, principalement parmi les forces de sécurité. La plus meurtrière a eu lieu le 16 décembre 2016, quand 12 soldats burkinabè ont été tués à un poste militaire de Nassoumbou lors d'une attaque de jihadistes venus du Mali. Les prises d’otages ont également repris dans la zone sahélienne, avec l’enlèvement d’un couple d’octogénaires australiens en janvier 2016 à Djibo (l’un deux ayant été libéré depuis), et d’un Roumain à Tambao en avril 2015, toujours en captivité.

Sans compter la création du premier groupe jihadiste de l’histoire du Burkina Faso, Ansarul Islam, fondé par le prêcheur Ibrahim Malam Dicko, originaire de Djibo. Le groupe, qui a revendiqué l’attaque de Nassoumbou, conduit depuis le Mali des expéditions et des assassinats contre les forces de l’ordre et des fonctionnaires.

Le vaillant Peuple du Burkina Faso opposera une résistance sans concession au terrorisme et aux ennemis du progrès de notre Patrie. pic.twitter.com/O1GAWHLn57

— Roch M. C. KABORE (@rochkaborepf) 14 août 2017

Faiblesse des services de renseignement

La dégradation du contexte sécuritaire s’explique en premier lieu par la fin du dialogue qui avait été instauré avec les chefs jihadistes sahéliens sous le règne de Blaise Compaoré, destitué fin 2014, et surtout par son tout puissant responsable du renseignement, le général Gilbert Diendéré.

"Les mouvements de rue ont été des éléments de la chute du régime, mais ont conduit au départ des militaires et à la décomposition des services de renseignement", explique Philippe Hugon, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).

Après le putsch raté de 2015, le nouveau président élu, un civil, s’emploie à réformer l’armée et dissout le puissant Régiment de sécurité présidentielle (RSP) de Diendéré. Mais le gouvernement met du temps à rétablir la sécurité, particulièrement dans le Nord. Les services de renseignement, indispensables dans la guerre contre le jihadisme, ont depuis été largement reconstitués, mais, comme le rappelle Philippe Hugon, "les frontières restent extrêmement poreuses" et les actions terroristes sont disséminées.

Nouvelles stratégies des jihadistes

L’instabilité du nord du Burkina s’explique aussi par l’évolution des stratégies des groupes armés. "Il y a eu une mutation au sein d’Aqmi, qui voulait instaurer dans un premier temps la charia au niveau d’un État-nation, comme au Mali, mais qui est ensuite passé à d’autres modalités du terrorisme, le salafisme jihadiste, nécessairement transnational", analyse André Bourgeot, directeur de recherche au CNRS et spécialiste du Mali. Une stratégie qui a conduit notamment aux attentats de Bamako en novembre 2015, Ouagadougou en janvier 2016, et Grand-Bassam, en Côte d’Ivoire, en mars 2016.

Le G5 Sahel, évolution ou poudre aux yeux ?

Pour faire face à la montée croissante de l’insécurité dans la région, le Burkina Faso peut compter sur l’appui de la France et de son opération Barkhane, dont le commandement des opérations spéciales (COS) est installé à Ouagadougou. En avril dernier, une opération de la force régionale a annoncé avoir tué "plus d’une vingtaine de terroristes" lors d’une attaque d’envergure dans la forêt malienne de Foulsaré, le fief d’Ansarul Islam près de la frontière burkinabè.

Le pays a aussi intégré la force militaire G5 Sahel, conjointement avec le Mali, le Niger, la Mauritanie et le Tchad, soutenue par la France et censée être opérationnelle au début de l’automne pour lutter contre le terrorisme dans la région.

Selon Philippe Hugon, le Sahel a "beaucoup progressé" avec la formation de cette force qui doit pouvoir diriger plus de 5 000 hommes. André Bourgeot, lui, "n’y croit pas du tout", le G5 étant pour l’instant sous-financé et loin d’être prêt à intervenir sur le terrain. La situation semble s’être stabilisée dans le nord du Burkina Faso depuis le début de l’année, mais l’attentat de dimanche rappelle que le Sahel demeure le principal foyer d’instabilité au sud du Maghreb.

Alpha Condé : l'attaque de Ouagadougou "montre l''importance de rendre opérationnel le G5"