Le projet de loi pour de nouvelles sanctions contre la Russie, adopté par la Chambre des représentants mardi, suscite des réactions hostiles de la part de l'Union européenne, de la France et de l'Allemagne, ainsi que de la Russie.
De Paris à Berlin en passant par Bruxelles, la communauté internationale a fraîchement accueilli, mercredi 26 juillet, le vote, intervenu la veille, de la chambre basse du Congrès américain en faveur d'un alourdissement des sanctions américaines imposées à la Russie – mais aussi à l'Iran et à la Corée du Nord. Jusqu'à présent, le régime de sanctions contre Moscou en raison de la Crimée a été coordonné des deux côtés de l'Atlantique, de façon à faire bloc.
La Commission européenne a fait part mercredi de son intention "de réagir de façon appropriée en l'espace de quelques jours" si ses inquiétudes ne sont pas suffisamment prises en compte sur ce texte, qui doit encore être approuvé par le Sénat. Selon Bruxelles, le projet de loi américain pourrait, en effet, "avoir des effets unilatéraux qui auraient des conséquences sur les intérêts de la sécurité énergétique de l'UE", s'est inquiété le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, dans un communiqué. L'exécutif européen dit craindre, d'une part, leur "possible impact sur l'indépendance énergétique de l'UE" et d'autre part, "leurs conséquences politiques négatives possibles", rappelant l'importance de coordonner la politique de sanctions entre tous les pays du G7. "L'unité du G7 à l'égard des sanctions est d'importance primordiale, car il en va du respect de l'application des accords de Minsk", a prévenu lundi le porte-parole de la Commission européenne, Margaritis Schinas.
US draft bill on Russia sanctions could have unilateral effects. Ready to protect our EU energy security interests: https://t.co/GA137kcb13 pic.twitter.com/bWSWkHmBxa
— European Commission (@EU_Commission) 26 juillet 2017De fait, plusieurs pays européens, à commencer par l'Allemagne, sont furieux, car la loi donnerait au président américain la possibilité de sanctionner les entreprises qui travaillent sur des pipelines venant de Russie, en limitant par exemple leur accès aux banques américaines ou en les excluant des marchés publics aux États-Unis. Cette disposition pourrait en théorie ouvrir la voie à des sanctions contre les groupes européens partenaires du projet de gazoduc Nord Stream 2, qui doit accélérer l'acheminement de gaz russe vers l'Allemagne à partir de 2019. Sont notamment concernés le français Engie, les allemands Uniper (ex-EON) et Wintershall (BASF), l'autrichien OMV et l'anglo-néerlandais Shell. Jusqu'à présent, la ligne rouge fixée par Washington et Bruxelles avait été que les sanctions n'affectent pas l'approvisionnement en gaz de l'Europe.
"Ces actes ne resteront pas sans réponse"
La diplomatie française a dénoncé, de son côté, un texte dont elle questionne la légalité : "Ce projet de loi, s'il était promulgué, permettrait l'édiction de mesures à l'encontre de personnes physiques ou morales européennes (...) De ce fait, la portée extraterritoriale de ce texte apparaît illicite au regard du droit international", a déclaré la porte-parole du Quai d'Orsay Agnès Romatet. "Pour nous prémunir contre les effets extraterritoriaux de la législation américaine (ou d'autres législations), il nous faudra travailler à la fois à l'adaptation de nos dispositifs nationaux et à l'actualisation des dispositifs européens", a-t-elle ajouté.
Sans surprise, la réaction a été encore plus vive en Russie. "Les auteurs et soutiens de ce projet de loi font un pas très sérieux en direction d'une destruction des perspectives de normalisation des relations avec la Russie", a ainsi fustigé le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Riabkov, cité par l'agence publique Tass. "Ces actes ne resteront pas sans réponse", a-t-il averti, tout en assurant que Moscou ne comptait pas "céder à l'émotion" et travaillerait à la recherche de "compromis" sur des questions comme la lutte contre le terrorisme.
Avec ce projet de loi, les parlementaires américains, forçant la main du président Donald Trump au moment où il veut la tendre à son homologue russe Vladimir Poutine, veulent en premier lieu, selon les observateurs, infliger des représailles à la Russie après une campagne de désinformation et de piratage attribuée à Moscou durant l'élection présidentielle américaine de l'an dernier.
Avec AFP et Reuters