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Crise du Golfe : le président Erdogan ne lâche pas son allié stratégique qatari

Principal allié arabe de la Turquie, avec lequel il est lié depuis 2014 par un accord militaire de défense, le Qatar peut compter sur le soutien inconditionnel du président turc Recep Tayyip Erdogan, depuis le début de la crise du Golfe.

"Contraire au droit international". C’est en ces termes que Recep Tayyip Erdogan a qualifié dimanche l'ultimatum fixé par l'Arabie saoudite et ses alliés arabes au Qatar, mis au ban et accusé de "soutenir le terrorisme". L’émirat gazier est le principal allié arabe de la Turquie, avec lequel il est lié depuis 2014 par un accord militaire de défense et de coopération stratégique.

Après avoir participé à la prière de l'Aid al-Fitr, le président turc a estimé devant la presse que la liste de 13 demandes imposées à Doha, parmi lesquelles la fermeture de la chaîne Al-Jazira, la remise à niveau des relations avec l'Iran, allaient "trop loin".

Une forme "d'irrespect pour la Turquie"

Il s'agit "d'une attaque contre les droits souverains d'un pays", a-t-il ajouté. Le chef de l’État turc a toutes les raisons d’être en colère contre le texte en question qui vise directement les intérêts de son pays, puisqu'il exige un retrait des troupes turques stationnées dans une base au Qatar. Il s’agit de l’unique installation militaire turque dans la région du Golfe, et plus encore de la première base militaire permanente de la Turquie hors de ses frontières.

C’est une forme "d'irrespect pour la Turquie", a tonné Recep Tayyip Erdogan, qui dès le début de la crise diplomatique qui secoue le Golfe depuis le 5 juin, s’est résolument rangé du côté de son allié qatarien qui soutient comme lui la rébellion face au régime de Bachar al-Assad, et plus globalement les Frères musulmans dans la sphère islamique. Une confrérie islamiste honnie par Riyad et le Caire.

Dans un exercice d’équilibriste inconfortable, la Turquie, qui entretient des rapports privilégiés avec Doha, s’est toutefois gardée de critiquer frontalement l'Arabie saoudite, se bornant à appeler Ryad à un règlement de la crise.

Soucieux de ne pas froisser le royaume wahhabite qui se veut souverain dans sa zone d’influence, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, et le roi Salman d'Arabie saoudite, qui ont eu par ailleurs un entretien téléphonique dès le début de la charge contre le Qatar, ont convenu de se réunir en tête-à-tête lors du prochain sommet du G20, qui se tiendra les 7 et 8 juillet en Allemagne.

Ankara vole au secours de son allié

Toujours est-il que la Turquie a déployé de grands moyens économiques et diplomatiques pour voler au secours du petit émirat gazier. Un effort salué par le chef de la diplomatie qatarienne sur l’antenne de France 24. "Nous saluons la médiation et le rôle joué par la Turquie, qui déploie des efforts considérables auprès d’autres parties prenantes au conflit en vue de baisser les tensions, a indiqué le ministre Mohammed ben Abdulrahman Al-Thani. Ankara appuie également la chaîne d’approvisionnement pour les consommateurs basés au Qatar, et cela est hautement apprécié".

En effet, outre un premier navire chargé de 4 000 tonnes de nourriture, qui a appareillé vers Doha, soumise à un embargo par ses voisins, la Turquie a envoyé par avion des denrées alimentaires. Selon un décompte fourni par le ministre turc de l'Économie, Nihat Zeybekci, qui a jugé qu'un tel pont aérien n'était pas viable sur le long terme, Ankara a déjà envoyé au Qatar 105 avions cargo d'aide alimentaire.

Les supermarchés qataris sont inondés de produits en provenance de ce pays, ainsi que de l’Iran. Les exportations turques vers le Qatar ont triplé depuis le début de la crise, a fait savoir le ministre turc des Douanes et du Commerce, Bulent Tufenkci.

Par ailleurs, les vols de Qatar Airways vers l'Afrique du Nord transitent eux désormais par l'Iran et la Turquie pour atteindre la Méditerranée, au lieu de survoler l'Arabie saoudite et l'Egypte.

En plus de ce volet à caractère humanitaire et commercial, vient s’ajouter un volet militaire. Le parlement turc a approuvé le 7 juin la mise en œuvre d'un accord datant de 2014 permettant le déploiement de plusieurs milliers de soldats sur une base turque au Qatar. Des troupes turques se trouvent déjà dans le pays, où elles participent à des exercices conjoints.

Exercices militaires conjoints

"Allons-nous demander la permission pour coopérer en matière de défense avec un pays? Sans vouloir offenser quiconque, la Turquie n'est pas un pays ordinaire", a ironisé Recep Tayyip Erdogan, en référence à la liste de doléances émises par l’Arabie Saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis et Bahreïn.

S'exprimant deux jours plus tôt sur l'antenne de la chaîne de télévision NTV, le ministre turc de la Défense, Fikri Isik, avait souligné que la Turquie n'envisageait pas de réexaminer le sort de sa base au Qatar. "Notre base est à la fois une base turque et une base qui préservera la sécurité du Qatar et de la région", a-t-il dit.

En début de semaine, le Qatar avait procédé à des exercices militaires avec la Turquie, voulant vraisemblablement montrer par là qu'il lui restait des alliés malgré les mesures prises contre lui par ses voisins du Golfe. L'exercice était prévu de "longue date", a-t-il tenu à souligner. L'ambassadeur de Turquie à Doha avait indiqué à l'AFP l'année dernière que la base militaire turque devrait accueillir 3 000 soldats et plus "si besoin".

Reste à savoir si jamais la crise s'envenime, si le président turc continuera à ménager l’Arabie saoudite, lui qui a souligné que son pays continuerait à aider le Qatar même si, a-t-il dit, cela peut "gêner certains que nous soutenions nos frère et sœurs du Qatar".

Avec AFP et Reuters