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Cash, corruption et vidéos : vingt-quatre heures qui ont secoué le Brésil

Le Brésil va-t-il vers une seconde destitution un peu plus d'un an après celle de Rousseff ? En 24 h, le pays a entendu son président donner son accord au versement de pots-de-vin et vu l'un de ses alliés accusé de recevoir des valises de billets.

"Je n'ai acheté le silence de personne ! Je ne démissionnerai pas !" Dans une allocution télévisée, le président brésilien, Michel Temer, a rejeté les accusations de corruption qui pèsent sur lui. Jeudi 18 mai, le quotidien O Globo a successivement révélé l'existence d'un enregistrement et d'une vidéo compromettants pour Michel Temer et l'un de ses alliés.

Dans l'enregistrement consulté par O Globo, on entend Michel Temer s'entretenir avec le magnat de l'agroalimentaire Joesley Batista. Quand ce dernier déclare au président qu'il verse de l'argent à Eduardo Cunha, afin que ce dernier garde le silence, le président répond : "Vous devez continuer", rapporte le journal.

Eduardo Cunha, autrefois l'un des piliers du Parti du mouvement démocratique brésilien (centre droit), la formation de Michel Temer, affirme être en possession d'informations compromettantes concernant de hauts responsables politiques liés au vaste scandale de corruption Petrobras. C'est Joesley Batista lui-même, qui a présenté cet enregistrement aux procureurs dans le cadre de négociations avec la justice. Il est lui-même impliqué dans le scandale Petrobras.

Si la conversation ne semble contenir aucune preuve explosive à l'encontre du chef de l'État, au-delà de la conversation ambiguë, il ne s'agit là que d'une seule des pièces communiquées par Joesley Batista aux procureurs. D'autres éléments pourraient être prochainement diffusés. Selon Reuters, le fait que la Cour suprême, qui a vu tous les éléments transmis, autorise l'ouverture d'une enquête signifie que d'autres éléments peuvent impliquer Michel Temer. Signe de la confusion et de l'incertitude régnante, O Globo a annoncé – à tort – la démission du président. 

Aécio Neves et les valises de billets

Michel Temer n'est pas le seul homme que la vague de révélations d'O Globo a égratigné. Selon une vidéo révélée par le quotidien, l'influent sénateur Aécio Neves, adversaire malheureux de Dilma Rousseff à la présidentielle de 2014, aurait demandé 2 millions de réals (environ 570 000 euros) de pots-de-vin.

Le journal a publié des photos de vidéos, filmées par la police fédérale, où le cousin d'Aécio Neves récupère à plusieurs reprises une valise remplie de billets fournie par Joesley Batista. Selon ce dernier, l'argent devait servir à financer la défense d'Aecio Neves dans le cadre de son procès pour corruption. La police a ensuite localisé cet argent déposé sur le compte d'un autre sénateur de la même province qu'Aécio Neves.

Plusieurs perquisitions ont ciblé, jeudi 18 mai, les propriétés du sénateur, dont le mandat a été suspendu par la Cour suprême. Selon les médias brésiliens, le procureur général a demandé son arrestation et sa sœur a déjà été interpellée à Belo Horizonte, dans le Sud-Est.

Démissions et pression populaire

Signe de la désaffection pour Michel Temer, l'ex-président Fernando Henrique Cardoso (1995-2002), a affirmé sur Facebook qu'en l'absence d'arguments convaincants pour se défendre de ces accusations Michel Temer "aura le devoir moral" de démissionner.

De son côté, le ministre de la Culture Roberto Freire a présenté sa démission et le ministre de la Ville pourrait lui emboîter le pas, assurent les médias brésiliens.

Dans les rues des grandes villes du pays, les manifestants ont battu le pavé dans la soirée aux cris de "Temer dehors !". Quelques heurts ont eu lieu avec les forces de l'ordre à Rio et Brasilia.

Alors que de grandes manifestations sont attendues dimanche,  les prochains jours seront déterminants pour Michel Temer. Face à la volonté du président de s'accrocher au pouvoir, plusieurs motions de destitution ont été déposées par des parlementaires mais la procédure est longue et fastidieuse, devant être approuvée à la majorité des deux tiers par la chambre des députés, puis par le Sénat. Et, pour, le moment, 80 % des députés et sénateurs brésiliens restent favorables au chef d'État. Mais les dernières révélations pourraient changer la donne et faire connaître au Brésil une seconde destitution, un peu plus d'un an après celle de Dilma Rousseff.