La justice indonésienne a condamné, mardi, le gouverneur chrétien de Jakarta à deux ans de prison pour insulte à l'islam, dans un procès perçu comme un test de la tolérance religieuse dans le plus grand pays musulman au monde.
De la prison pour blasphème. Le gouverneur chrétien de Jakarta, Basuki Tjahaja Purnama, surnommé Ahok, a été condamné, mardi 9 mai, à deux années de prison pour insulte à l'islam.
Cette décision surprise dans une affaire où le parquet avait requis deux années de mise à l'épreuve a été saluée à l'extérieur du tribunal par des musulmans conservateurs scandant : "Dieu est le plus grand!". Un des juges du tribunal, Abdul Rosyad, a justifié la sévérité du verdict par le fait que le prévenu ne ressente "aucune culpabilité" et qu'il ait "suscité la colère et blessé les musulmans".
Vague d’indignation
Connu pour son franc-parler, Ahok avait déclaré en septembre que l'interprétation par certains oulémas (théologiens musulmans) d'un verset du Coran, selon lequel un musulman ne doit élire qu'un dirigeant musulman, était erronée, provoquant une vague de contestation dans le plus grand pays musulman au monde où toute référence à l'islam est très sensible.
Cette déclaration avait été instrumentalisée par des islamistes partisans d'une ligne dure, des experts dénonçant des motivations politiques.
Mi-avril, le procureur en chef, Ali Mukartono, avait requis deux années de mise à l'épreuve en estimant que le délit de blasphème était caractérisé, et que le prévenu avait exprimé "de l'hostilité, de la haine ou de l'humiliation à l'égard d'une partie de la population indonésienne", musulmane à près de 90 %.
Manifestations de masse
Cette affaire avait plané sur la campagne électorale et le scrutin pour le renouvellement de son poste de gouverneur. Ce dernier, qui caracolait naguère en tête des sondages, a finalement été battu mi-avril par l'ancien ministre de l'Éducation, le musulman Anies Baswedan.
Ahok, premier gouverneur non musulman depuis un demi-siècle dans ce pays d'Asie du Sud-Est et premier issu de la minorité chinoise, avait accédé automatiquement à cette fonction en 2014, après l'élection à la présidence de son prédécesseur Joko Widodo, dont il était alors l'adjoint.
L'influent poste de gouverneur de la capitale de 10 millions d'habitants est considéré comme un tremplin pour l'élection présidentielle de 2019.
Des islamistes radicaux ont organisé ces derniers mois des manifestations de masse contre le gouverneur. L'affaire a mis en lumière l'influence croissante de musulmans conservateurs partisans d'une ligne dure dans ce pays de 255 millions d'habitants pratiquant en grande majorité une forme d'islam modéré.
Avec AFP