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La chance du débutant fait d’Emmanuel Macron un président

La course à l’Élysée s'est achevée dimanche soir à 20 h. Il y a peu encore, elle devait se jouer entre les vieux chevaux de retour, et, presque par magie, elle couronne un héros de roman.

D’abord, au risque d’enfoncer une porte ouverte, il y a la jeunesse d’Emmanuel Macron. La France est un vieux pays, fragmenté, en proie à la hantise du déclin. Son président est un monarque. Républicain mais monarque, dont on avait pris l’habitude de penser qu’il ne pouvait être choisi qu’au terme d’une longue carrière politique. Cette victoire, c’est d’abord la promesse d’un coup de jeune et d’une thérapie collective qui fait la part belle à l’optimisme.

On sait peu de choses d’Emmanuel Macron, si ce n'est qu’il est intelligent, brillant sans être arrogant, pédagogue et qu’il paraît avoir embrassé son élection avec l’humilité et la gravité qu’exige l’état inquiétant du pays. Et surtout qu’il croit en une France dans une Europe qui protège. À lui d’écrire la suite. Comme le grand roman qu’il désirait écrire et dont il serait le héros.

On a beaucoup évoqué la chance et les circonstances. L’audace seule n’aurait pas suffi à l’homme qui marche pour remporter son pari, au soir du 7 mai. Mais la chance sait sourire aux audacieux. La bonne étoile du jeune président élu, au-dessus de cet improbable alignement de planètes, a permis, dans un moment grave, la rencontre entre un destin et un pays. Une France si difficile à gouverner mais qui veut encore croire qu’elle a un message à délivrer au monde.

C’est aussi l’étincelle d’un "big bang" politique encore à venir. À entendre la difficulté des ténors "républicains" et socialistes à se positionner par rapport à l’offre nouvelle du président élu, on devine qu’ils vont rapidement imploser. Être ou ne pas être dans l’opposition au chef de l’État, ils devront choisir. C’est la loi d’airain de la Ve république. C’est d’ailleurs ce dont rêvent bien des électeurs d’Emmanuel Macron : la réconciliation entre les deux rives du fleuve qui séparent le monde politique français.

Le Front national (FN), lui, fort des 11 millions de voix qui se sont portées sur Marine Le Pen, entend incarner la première force d’opposition. Mais il est lui aussi guetté par la division, maladie infantile de l’extrême droite. Les autres Le Pen, Jean-Marie et Marion, n’ont pas tardé à reprocher à sa présidente d’avoir tergiversé sur l’euro avant de couler définitivement lors du débat d’entre-deux tours, prise entre calculs et convictions. Le feu va s’ouvrir rapidement au sujet du changement de nom que Marine Le Pen entend proposer à son parti.

Dans cette situation, le nouveau président demandera aux Français de faire le choix de la clarté lors des législatives. Il aura là un "boulevard", une nouvelle occasion en or de pousser son avantage. Mais honnêtement, personne ne peut préjuger de la résistance des vieux partis. Les Français voudront-ils ou non mettre quelque chose entre En Marche ! et le Front national ? La gauche, la droite, ce serait définitivement terminé ? Le mode de scrutin (majoritaire à deux tours) aurait tendance à favoriser un nouvel affrontement bipolaire, avec un match serré prévisible entre le FN et les Républicains pour incarner l’opposition.

Mais l’essentiel est ailleurs. Car tant que ce mode de scrutin ne sera pas modifié pour y introduire une dose de proportionnelle, le pays ne se sentira pas réellement représenté. Moins qu'hier encore, la France n'a le désir de signer un chèque en blanc pour cinq ans. D'autant plus que 15 millions de Français ont exprimé leur colère et leur souffrance en votant blanc, pour l'extrême droite ou en s'abstenant.

L’état de grâce, s’il a des chances d’exister, sera de courte durée. La rue bruit déjà du désir de certains d’en découdre pour combattre les réformes annoncées. La France ne va pas passer de l’ombre à la lumière. Plus complexe et déchirée que jamais, elle attend avec un mélange de curiosité, d’inquiétude et aussi un minimum de bienveillance de voir à l’œuvre son enfant prodige.