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Macron ou Le Pen ? Mélenchon laisse l'embarras du choix à ses "Insoumis"

Insoumis. En se gardant de donner une consigne de vote dimanche soir, à l'issue du premier tour de l'élection présidentielle, tout en laissant ses militants décider, Jean-Luc Mélenchon s’est attiré de nombreuses critiques.

Le visage marqué par la déception et l’amertume, malgré la percée spectaculaire de sa candidature, Jean-Luc Mélenchon s'est gardé dimanche soir, après l’annonce des premières estimations du premier tour de la présidentielle, de donner une consigne de vote pour le round suivant.

Sans même dévoiler son opinion personnelle, le nouveau patron de la gauche française, du haut de ses 19,58 % des voix, a choisi de renvoyer dos à dos l’europhile libéral Emmanuel Macron et la frontiste Marine Le Pen, "qui approuvent et veulent prolonger les institutions actuelles".

Préférant décocher ses flèches contre les "médiacrates et oligarques [qui] jubilent" devant les résultats du premier tour, le candidat de La France insoumise a dit vouloir s’en remettre à l’avis de ses militants, appelés à se prononcer sur cette question sur la plateforme de son mouvement.

"Je n'ai reçu aucun mandat des 450 000 personnes qui ont décidé de présenter ma candidature pour m'exprimer à leur place sur la suite. Elles seront donc appelées à se prononcer sur la plate-forme [numérique, NDLR] et le résultat de leur expression sera rendu public", s’est-il justifié dimanche soir.

"L'option FN n'existe pas chez nous"

Si cette posture est fidèle au concept de "communication ascendante" du candidat du Parti de gauche (PG), qui a mené une campagne numérique participative remarquée, elle a, sans surprise, entraîné de nombreuses critiques alors qu’un "front républicain" contre le Front national (FN) commençait à prendre forme dès dimanche soir.

"J'ai du respect pour tous les votes de gauche et Mélenchon, mais ne pas appeler à battre M. Le Pen est une faute et intenable quand on est de gauche", a tweeté Jean-Christophe Cambadélis, le Premier secrétaire du Parti socialiste (PS), dont le candidat malheureux Benoît Hamon a appelé à voter en faveur d’Emmanuel Macron.

Interrogé par France 24 sur cette prise de position, le sénateur de Côte-d'Or François Patriat, qui a quitté fin mars le Parti socialiste pour soutenir Emmanuel Macron, a estimé que "Mélenchon a raté sa sortie", jugeant que "ce type de discours n’est pas à la hauteur de sa campagne présidentielle".

Depuis cette annonce, les soutiens du quatrième homme du premier tour, qui avait pourtant très clairement appelé à voter contre Jean-Marie Le Pen lors de la présidentielle de 2002, se défendent de vouloir épargner, 15 ans plus tard, sa fille Marine Le Pen. Sans toutefois appeler clairement à voter en faveur d’Emmanuel Macron.

"Nous avons toujours eu une position très claire sur le fait que jamais nous n’appellerions à voter pour le FN, explique Charlotte Girard, co-responsable du programme de La France insoumise, à France 24. Cette option n'existe pas chez nous. En revanche, nous allons demander aux Insoumis eux-mêmes ce qu’il convient de faire alternativement, en organisant une consultation en ligne, et ce, comme nous l’avons déjà fait dans le passé à propos du programme."

"Aller au bout de la démarche d'implication et de participation"

Est-ce à dire qu’il y aura forcément une consigne de vote donnée à l’issue de ce référendum interne ? "Cela dépendra de l’avis fourni par les Insoumis", botte en touche Charlotte Girard, avant d’expliciter l’esprit de cette démarche. "Nous solliciterons un avis consultatif, car Jean-Luc Mélenchon se préoccupe des militants et des soutiens, nous allons aller au bout de la démarche d’implication et de participation de l’ensemble des personnes qui nous ont aidé pendant toute cette campagne."

Pour Charlotte Girard, l’attitude responsable, alors que la gauche est absente du seconde tour, consiste à condamner l’option FN, mais aussi à donner le choix, "voire d’obliger les gens qui sont entrés en politique depuis peu à participer à la construction d’une attitude digne dans de tels moments".

Interrogé sur la mise en place et le calendrier de cette initiative, le mouvement de Jean-Luc Mélenchon fait savoir que les modalités de cette consultation seront "précisées sous peu".

En attendant d’en savoir plus, les Insoumis, groggys par la défaite, mais galvanisés par leur score avant les législatives du mois de juin, s’interrogent sur les réseaux sociaux. Placés devant leurs responsabilités, leurs avis sont partagés entre la nécessité de voter au second tour contre le FN et ceux qui refusent de donner leur voix à un candidat qui présente un programme socio-économique aux antipodes de leur mouvement. D'autres ont lancé le hashtag #SansMoiLe7Mai sur Twitter, pour annoncer leur volonté de boycotter le second tour.

"Jean-Luc Mélenchon, qui entend toujours se démarquer des autres candidats, a souhaité se donner du temps pour continuer à imprimer quelque chose dans cette campagne", analyse Bruno Cautrès, chercheur CNRS au Cevipof et enseignant à Sciences Po.

Et de conclure : "Même s’il semble avoir du mal à lâcher la barre, il reste cohérent par rapport à l’ensemble de son discours qui est celui de dire qu’il consulte d’abord, même si on se doute qu’il va devoir prendre position entre les deux tours, car il ne pourra pas se dérober".