Le spécialiste des voitures électriques et connectées Tesla a dépassé pour la première fois General Motors à la Bourse de New York. Une prouesse pour une entreprise que certains vouent pourtant à une faillite prochaine.
Tesla a beau n’avoir produit qu’un peu plus de 80 000 voitures électriques en 2016, la société fondée par Elon Musk est devenue le premier constructeur automobile américain. Le spécialiste des voitures électriques et connectées a dépassé pour la première fois le roi américain du secteur General Motors (GM), lundi 10 avril. Tesla se maintient tout en haut de l’échelle boursière des constructeurs automobiles avec une capitalisation boursière à 51,93 milliards de dollars contre 51,20 milliards de dollars pour GM.
Certes, ce n’est qu’à Wall Street et en ne prenant en compte que la capitalisation boursière mais la prouesse n’en est pas moins remarquable pour un groupe fondé en 2003. D’autant plus qu’elle doit faire face à la concurrence de mastodontes que sont GM ou Ford, qui existent depuis plus de 100 ans.
La trajectoire stratosphérique de l’action, passant de 40 dollars en 2013 à 308 dollars, mardi 11 avril, illustre l’engouement des boursicoteurs pour l’empire automobile qu’Elon Musk essaie de bâtir. Pour l’analyste américain Michael Farr, cette envolée boursière n’est en outre pas près de s’arrêter. Il prévoit que l’action atteigne 368 dollars en 2018.
La faillite pour bientôt ?
Un optimisme qui peut étonner. Tesla vend en effet peu de voitures : 25 000 véhicules au premier trimestre de 2017, comparé à plus de 600 000 automobiles pour Ford et autant pour GM sur la même période. Et les résultats financiers prouvent que la star boursière du moment ne joue pas dans la même cour que ses concurrents. En 2016, son chiffre d’affaires s’est établi à sept milliards de dollars, alors que Ford a engrangé 152 milliards de dollars et GM en a gagné 166 milliards. Tesla est aussi la seule entreprise du secteur à afficher des pertes (674 millions de dollars) et reconnaît qu’elle n’espère pas sortir du rouge avant 2018.
Certains analystes craignent même pour la survie à très court terme du jeune constructeur. “Nous pensons qu’il y a plus de 50 % de chances pour que Tesla fasse faillite dans les 12 à 24 mois”, avance ainsi EnerTuition, un cabinet américain d’analyse financière spécialisé dans les énergies renouvelables.
La raison ? Le Model 3, la prochaine voiture de Tesla, risque de ruiner le groupe plutôt qu’améliorer ses réserves d’argent qui s’élèvent à trois milliards de dollars. Plusieurs analystes doutent que Tesla puisse maintenir les délais de commercialisation, mais Elon Musk fait tout pour que le planning - fin 2017 aux États-Unis, début 2018 en Europe - soit tenu. Mais dans un secteur aussi technologiquement sensible que les voitures électriques, aller trop vite augmente considérablement le risque d’avoir des soucis techniques à la commercialisation, juge EnerTuition, dans un article paru sur le site financier SeekingAlpha. Si un problème majeur affecte le Model 3 - entraînant des accidents et une perte de confiance des consommateurs - l’addition pourrait rapidement se chiffrer en milliards de dollars.
Tesla, le nouvel Amazon ?
Et même si tout se passe bien pour le Model 3, Tesla n’est pas sortie d’affaire pour autant. Le groupe n’est en effet pas le seul à parier sur la voiture électrique et connectée. Ses concurrents américains, allemands et même les français Renault et Peugeot sont plus avancés en matière de systèmes connectés embarqués, d’après une étude du cabinet d’analyse technologique Navigant Research. La niche de l'automobile électrique haut de gamme qu’occupe actuellement Tesla risque donc d’être rapidement très encombrée. Et le petit constructeur qui veut devenir grand ne possède qu’une seule usine pour faire face à l’immense force de frappe commerciale et de production de tous les géants du secteur.
Malgré tout, ils sont nombreux à parier sur la victoire de ce David face à tous les Goliath à quatre roues. Selon eux, la vision à long terme d'Elon Musk vaut bien quelques centaines de millions de dollars de pertes par an. Pour le PDG de Tesla, le futur est de “promettre au monde un nouveau moyen de transport”, explique l’investisseur canadien Chris Lau. Outre les voitures électriques, le groupe a aussi racheté en 2016 le spécialiste de l’énergie solaire SolarCity et projette d'équiper les habitations en panneaux solaires qui sont aussi des sources d'énergie.
C'est là que se trouverait l’avantage de Tesla sur ses concurrents : les GM, Ford & Co., eux, n’ont pas intérêt à mettre à mort le marché automobile tel qu’il existe, qui leur rapporte beaucoup. Ils ne sont donc pas aussi pressés d’innover que Tesla. Ainsi, ceux qui parient sur Elon Musk jugent que le dynamisme de sa société va, à terme, venir à bout de l’inertie qui rend ses concurrents moins réactifs. Encore faut-il que Tesla parvienne à survivre pendant plusieurs décennies, le temps, d’après Chris Lau, de réaliser le grand rêve du “nouveau moyen de transport”.
Miser sur Tesla serait ainsi un pari sur le futur. “Tesla est une action qui repose sur une histoire et une vision à laquelle on adhère ou pas”, explique un autre analyste financier sur le site SeekingAlpha. Le constructeur serait-il le nouvel Amazon ? Rappelons que pendant plusieurs années, le célèbre site d’e-commerce a accumulé les pertes, suggérant aux investisseurs d’être patients, avant de devenir l’une des entreprises tech les plus rentables.