Le torchon continue de brûler entre Berlin et Ankara. Après les déclarations du président turc Recep Tayyip Erdogan accusant Angela Merkel de "pratiques nazies", le chef de la diplomatie allemande a fait savoir qu'"une limite avait été franchie".
"Nous sommes tolérants, mais nous ne sommes pas des imbéciles." Le ministre des Affaires étrangères allemand, Sigmar Gabriel, a haussé le ton face à la Turquie, dans les colonnes du quotidien allemand Passauer Neue Presse ce lundi 20 mars. Le chef de la diplomatie réagissait aux déclarations du président turc Recep Tayyip Erdogan, qui a accusé récemment l'Allemagne de recourir à des "pratiques nazies".
Sigmar Gabriel a jugé ces propos "choquants" : "J'ai donc fait savoir très clairement à mon homologue turc (Mevlut Cavusoglu, ndlr) qu'une limite avait été ici franchie".
"Le gouvernement allemand surveille de près la situation, notre position reste inchangée, les comparaisons avec le nazisme sont inacceptables, quelle que soit leur forme", a déclaré de son côté une des porte-parole du gouvernement, Ulrike Demmer.
Les relations entre les deux pays ne cessent de s'envenimer, signes d'une crise aiguë à l'approche du référendum du 16 avril qui vise à renforcer les pouvoirs du président Erdogan.
Les refus successifs depuis le début du mois de l'Allemagne, et d'autres pays de l'UE comme les Pays-Bas, de laisser des ministres turcs participer sur leur sol à des réunions électorales auprès de la diaspora, en faveur du "oui" au référendum, ont suscité l'ire de l'homme fort d'Ankara.
Ce dernier avait déjà affirmé faire face à des pratiques dignes du nazisme en Europe. Dimanche, il est allé encore plus loin en s'en prenant nommément à la chancelière allemande."Quand on les traite de nazis, cela ne leur plaît pas. Ils manifestent leur solidarité. En particulier Merkel", a déclaré Recep Tayyip Erdogan dans un discours télévisé. "Mais tu as recours en ce moment précis à des pratiques nazies", a-t-il lancé à l'adresse de la dirigeante allemande.
"Indigne d'un chef d'État"
L'Allemagne est au centre du bras de fer du président Erdogan avec l'Europe car elle héberge la plus importante diaspora turque au monde, dont 1,4 million de personnes inscrites sur les listes électorales consulaires.
Jusqu'ici, les responsables allemands ont préféré la retenue face aux provocations, persuadés que la surenchère ne ferait que faire le jeu du chef de l'État turc, soupçonné de vouloir se poser en victime pour mobiliser les indécis au projet de réforme constitutionnelle.
Mais la patience de Berlin arrive à ses limites.
"M. Erdogan a-t-il encore tous ses esprits ?", s'est interrogé la vice-présidente de son parti conservateur CDU Julia Klöckner, une proche d'Angela Merkel. Elle a demandé l'arrêt des subventions européennes "qui se montent en milliards d'euros" en faveur de la Turquie, prévues pour l'aider à se rapprocher de l'UE.
Élu dimanche président du parti social-démocrate allemand SPD et challenger de Mme Merkel aux législatives du 24 septembre, Martin Schulz a jugé les propos d'Erdogan "indigne d'un chef d'État". "La Turquie est en train de devenir un État autoritaire", a estimé l'ancien président du Parlement européen sur la chaîne publique allemande ARD.
Dans un nouvel accès de fureur, la Turquie a annoncé dimanche avoir convoqué l'ambassadeur d'Allemagne pour protester contre la tenue la veille à Francfort d'une manifestation de Kurdes lors de laquelle avaient été brandis des drapeaux du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), interdit, et avaient été lancés des appels à voter "non" au référendum du 16 avril.
Avec AFP