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Lors de son premier discours devant le Congrès en tant que chef d'État, mardi, Donald Trump a accumulé les approximations. Passage en revu d’un monologue au ton mesuré, mais au contenu toujours aussi discutable.

Un ton plus mesuré, une stature plus présidentielle… mais toujours des approximations et des affirmations trompeuses. Donald Trump a surpris les commentateurs, mardi 28 février, en se montrant plus consensuel et moins provocateur qu’à son habitude lors de sa première allocution devant le Congrès américain pour dévoiler son projet. Mais le 45e président des États-Unis n’a pas perdu certaines de ces mauvaises habitudes et a lancé des affirmations péremptoires... discutables.

France 24 a retenu certaines de ces allégations dans le domaine de l'économie, de la sécurité ou encore des relations internationales qui méritent d’être au mieux remises dans leur contexte, au pire remises en question.

"94 millions d’Américains ne sont pas actifs" : trompeur. Donald Trump veut ainsi souligner que le marché de l’emploi est dans un piteux état. Ce chiffre – exact – provient directement du département du Travail… mais il est trompeur. Il comprend, en effet, les étudiants, les retraités, ou encore les personnes handicapées qui ne peuvent travailler.

Une estimation plus pertinente serait d’examiner la part de la population active (un peu plus de 100 millions de personnes). Près de 80 % des personnes ont un emploi, selon le Bureau des statistiques du travail, ce qui implique qu’un peu plus de 21 millions d’Américains, entre 25 et 54 ans, sont en dehors du marché du travail.

“Depuis mon élection, Ford, Fiat, General Motors, Sprint, Softbank, Lockheed, Intel, Walmart et beaucoup d’autres ont annoncé des millions de dollars d’investissement aux États-Unis” : Faux. La liste des entreprises citées par le président peut paraître impressionnante, mais elle repose sur un faux postulat. Donald Trump affirme que ces sociétés ont décidé d’investir aux États-Unis après sa victoire électorale, alors que la plupart s’y était déjà engagée auparavant.

Softbank avait fait son annonce un mois avant l’élection de novembre 2016 et Ford s’était engagée dès septembre. General Motors et Walmart ont, en réalité, réitéré en janvier des promesses qu’ils avaient déjà faites avant l’élection. Mais à l’époque, la question du “made in America” n’avait pas encore été propulsée sur le devant de la scène et les annonces étaient passées inaperçues.

"Nous avons perdu un emploi dans l’industrie sur quatre depuis la signature du traité Alena (Accord de libre-échange nord-américain)" : Trompeur. Cette affirmation sert à alimenter l’une des idées fixes de Donald Trump : les traités commerciaux internationaux sont mauvais pour l’emploi américain.

Malheureusement pour le président, la réalité n’est pas aussi simple. La signature, en 1994, du traité de libre-échange Alena n’a pas entraîné d’effondrement du secteur manufacturier. La production industrielle est, en fait, à son plus haut depuis le début des années 2000 aux États-Unis, rappelle le New York Times.

En revanche, la destruction massive d’emplois dénoncée par Donald Trump est une réalité. Mais l’automatisation des tâches est un "tueur en série" bien plus efficace que l’Alena. Une étude du Centre de recherche économique de l’Université d’ État de Ball (Indiana) a conclu, en 2015, que 13 % des destructions d’emplois dans l’industrie américaine depuis les années 1970 sont dues à des accords commerciaux comme l’Alena.

"Nous avons laissé nos frontières grandes ouvertes, permettant à n’importe qui de passer… et à la drogue d’arriver sur le territoire à une vitesse sans précédent" : Faux.
Dans son effort pour justifier son controversé projet de construction d’un mur à la frontière mexicaine pour la rendre plus étanche, Donald Trump a cité une hausse de l’importation de drogue qui n’existe pas. En réalité, les patrouilles frontalières ont saisi bien moins de drogue en 2016 qu’en 2015 (600 000 kg contre 1,13 million), suggérant plutôt une chute de ce trafic transfrontalier.

Certes, l’importance réelle de ce commerce illégal ne peut pas être jugée uniquement à l’aune des saisies à la douane. Mais elles restent un indicateur d’autant plus intéressant que ces saisies sont en baisses constantes depuis six ans.

"Les États-Unis ont dépensé six mille milliards de dollars au Moyen-Orient" : Faux. Les six mille milliards correspondent aux estimations les plus hautes des sommes dépensées par les États-Unis pour financer l’engagement militaire en Irak et en Afghanistan.

Sans s’attarder sur les approximations géographiques de Donald Trump – l’Afghanistan ne se situe pas au Moyen-Orient –, cette affirmation repose sur une seule étude, celle de la prestigieuse Université Brown (Rhodes Island) publié en 2016. Mais d’autres analyses, provenant d’établissements tout aussi renommés tels que Harvard, placent la barre plutôt aux alentours de trois mille milliards de dollars.

Surtout, Donald Trump intègre dans son calcul l’argent… qui n’a pas encore été dépensé. L’étude de l’Université de Brown indique que pour atteindre six milliards de dollars il faut prendre en compte des dépenses comme les retraites à venir pour les militaires.

"L’augmentation du nombre des meurtres aux États-Unis a été la plus importante en cinquante ans" : Trompeur. Le taux d'homicide a en effet bondi de 10,8 % aux États-Unis en 2015 par rapport à 2014, ce qui constitue la hausse la plus importante depuis 1971. Mais il serait faux d’en déduire que la sécurité aux États-Unis s’est fortement dégradée ces dernières années.

Le président a, en effet, oublié de rappeler que la hausse du nombre de meurtres en 2015 est intervenue après 21 ans de baisse continue.