
Le réalisateur iranien Asghar Farhadi, qui a boycotté la cérémonie des Oscars, s'est vu décerner le prix du meilleur film étranger pour "Le Client". Salué par les autorités iraniennes et le public, il reste dans le collimateurs des conservateurs.
Le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif a exprimé lundi 27 février sa "fierté" après l'attribution lors de la cérémonie des Oscars à Hollywood, dimanche 26 février, du prix du meilleur film étranger au "Client" du réalisateur iranien Asghar Farhadi.
"Fier de l'Oscar et de la position contre 'l'interdiction des musulmans' de la part des acteurs et de l'équipe du 'Client'", a écrit sur son compte Twitter Mohammad Javad Zarif, quelques instants après l'attribution de la statuette. "Les Iraniens ont représenté la culture et la civilisation depuis deux millénaires", a-t-il ajouté.
Proud of cast & crew of "The Salesman" for Oscar & stance against #MuslimBan. Iranians have represented culture & civilization for millennia
— Javad Zarif (@JZarif) 27 février 2017Fin janvier, Asghar Farhadi, 44 ans, avait décidé de ne pas se rendre à la cérémonie des Oscars, dénonçant les restrictions d'entrée aux États-Unis imposées par Washington aux ressortissants de sept pays à majorité musulmane, dont l'Iran.
Dans une déclaration lue en son nom, Asghar Farhadi a indiqué n'avoir pas voulu venir par solidarité pour les gens qui n'avaient pas été respectés par le décret anti-immigration de Donald Trump, suspendu depuis. "Diviser le monde entre les catégories 'États-Unis' et 'nos ennemis' crée la peur, une justification trompeuse pour l'agression et la guerre", a-t-il dit dans une déclaration lue par l'ingénieure et astronaute née en Iran Anousheh Ansari.
The letter of protest from Best Foreign Film director Asghar Farhadi #Oscars pic.twitter.com/s9GZEeacp7
— Mashable (@mashable) 27 février 2017Un symbole pour le gouvernement modéré
À Téhéran, le chef de l'Organisation du cinéma iranien, Hojatollah Ayoubi, s'est joint au concert de louanges, félicitant Farhadi, "éloquent ambassadeur de la culture et de la civilisation de l'Iran islamique".
Devenu un symbole malgré lui, le réalisateur iranien, soutenu par le gouvernement modéré du président Hassan Rohani, n’est pourtant pas apprécié par des ultraconservateurs de son pays, qui cherchent à le discréditer à la moindre occasion.
Régissant à la sélection de son film au Festival de Cannes, en mai, où "Le Client" avait remporté les prix d’interprétation masculine et du scénario, les médias conservateurs du pays avaient accusé Farhadi d’avoir eu recours à des "cheikhs arabes" pour son financement, à cause de la participation d’un fonds du Festival de Doha dans le financement du film, rapporte Le Monde. "La présence d’un partenaire arabe humilie le cinéma iranien sur la scène internationale", avait alors critiqué le porte-parole du ministère de la Culture et de l’Orientation islamique, Hossein Noushabadi, dans un contexte de tension avec l'Arabie Saoudite.
Lorsqu’ils ne le critiquent pas directement, les médias ultraconservateurs s’en prennent à la moralité des actrices d'Asghar Farhadi. La dernière remontrance en date porte sur un tatouage de Taraneh Alidoosti, actrice principale du "Client", aperçu au moment où la jeune femme de 32 ans prend le micro sur scène pour la présentation du film à Téhéran en mai.
Tatouage du mouvement #pro_choix sur l'avant-bras de l'actrice #iranienne Taraneh Alidoosti (Le Client) #Féminisme pic.twitter.com/DADVNKreiC
— Ahmad PARHIZI (@APARHIZI) 31 mai 2016Très vite, des clichés circulent et l’actrice est taxée de "féministe", un terme péjoratif dans la bouche des conservateurs iraniens. Qualificatif, qu'elle a ensuite revendiqué dans un tweet où elle explique qu'une féministe à ses yeux est "une personne qui croit en l'égalité des sexes".
Keep calm and YES I'm a feminist.
پست مربوط به یک سال پیش pic.twitter.com/95nMY3H9kT
Salle comble en Iran
Des critiques qui n’ont pas empêché "Le Client" de connaître un succès populaire inédit en Iran. Le Monde rapportait en novembre que pour son premier jour de projection, le film avait battu le record du nombre d’entrées dans l’histoire du cinéma iranien, rapportant l’équivalent de 65 200 euros. "Les premières semaines de sa projection, les salles iraniennes ont ajouté des séances, dès 6 heures du matin", expliquait Ghazal Gholshiri, la correspondante du journal à Téhéran.
La victoire aux Oscars révèle une nouvelle fois la popularité grandissante d’Asghar Farhadi dans son propre pays. Le réalisateur a été vivement salué par ses pairs sur les réseaux sociaux lundi matin après ce deuxième Oscar de sa carrière. Ses fans n'ont pas caché leur fierté, dans un contexte de défiance à l’égard des Iraniens par le gouvernement de Donald Trump.
Une publication partagée par اجلاس ملی اقتصاد گردشگری مشهد (@mte2017) le 27 Févr. 2017 à 2h46 PST
Avec AFP