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Entre "affaire russe" et décrets polémiques, le premier mois de mandat de Donald Trump a été laborieux. Mais, dans le quartier new-yorkais de Staten Island, résidentiel et blanc, de nombreux habitants soutiennent plus que jamais le milliardaire.

A Staten Island, quartier le moins peuplé de New York, nombre sont ceux qui estiment que le premier mois de la présidence de Donald Trump est un succès, rien de moins. "On l’adore, il fait du super boulot !", s’enthousiasme Aiman Youssef, un habitant.

Ici, le glamour de Manhattan et les maisons bourgeoises en brique de Brooklyn semblent bien loin. Majoritairement résidentielle et peuplée d’ouvriers blancs, l’île de Staten Island a une identité bien à elle. Tout comme son orientation politique.

Alors que l’électorat de la ville de New York, traditionnellement démocrate, a largement voté pour Hillary Clinton en novembre 2016, Staten Island a donné tort aux prévisions. L’ancienne secrétaire d’État a raflé 79 % des votes à New York, mais Donald Trump a reçu le soutien de 57 % des habitants de Staten Island.

"M. Trump fait respecter la loi et l’ordre"

Aiman Youssef était l’un d’eux. Né dans une famille syrienne, il a émigré aux États-Unis dans les années 1980 dans l’espoir de trouver de meilleures opportunités de travail. Pour autant, le décret anti-immigration voté par le président le 27 janvier, et qui prévoyait d’interdire l’entrée des États-Unis aux citoyens de sept pays majoritairement musulmans ainsi qu’aux réfugiés syriens, ne l’a pas choqué.

Aiman Youssef estime que Donald Trump prend les décisions dont les États-Unis ont besoin. "M. Trump fait respecter la loi et l’ordre. Alors que certaines personnes voudraient que ce soit le Far West", assure-t-il, ajoutant que le président "protège le pays".

Cet habitant de Staten Island est très satisfait du bilan de Donald Trump depuis son investiture le 20 janvier : "Tout ce qu’il a promis de faire pendant sa campagne, il est en train de le faire."

En 2012, Aiman Youssef a tout perdu lorsque l’ouragan Sandy s’est abattu sur Staten Island et a détruit sa maison. À la suite de cette mésaventure, il a monté sa propre association d’aide aux victimes de catastrophes naturelles : Half Table Man, qui vient en aide aux nécessiteux en leur procurant de la nourriture, des vêtements ainsi que d’autres biens et services.

Pourtant, lorsqu’on l’interroge sur l’antagonisme que représente son engagement auprès des démunis et son soutien à un président qui refuse d’accueillir des réfugiés, Aiman Youssef se défend de toute incompatibilité.

"Occupons-nous d’abord de ce dont les gens ont besoin dans ce pays et on verra ensuite ce que l’on peut faire pour les autres pays", explique-t-il, les bras chargés de produits destinés à une église de Staten Island qui les redistribue dans le quartier.

"Ils ont des familles à nourrir"

Dans le voisinage, certaines personnes craignent pourtant que la politique de Donald Trump n’affecte véritablement leur vie. Bien que Staten Island soit le seul quartier de New York où la population blanche non-hispanique est majoritaire, une grande part est issue de l’immigration.

Luis travaille pour une association qui aide les immigrés de Staten Island, y compris ceux qui n’ont pas de visa, à trouver du travail. "Généralement, il y a des personnes qui attendent ici", explique-t-il en montrant du doigt un carrefour où les travailleurs illégaux ont l’habitude de se réunir dans l’espoir de décrocher un travail pour la journée. Mais personne ne fait la queue ce matin.

"Peut-être que c’est juste à cause du froid, mais ils n’ont jamais été bien nombreux depuis l’arrivée de Trump", raconte le jeune homme. Dans la communauté immigrée de Staten Island, les gens craignent de perdre leur gagne-pain et se demandent s’ils pourront rester aux États-Unis. Pour Luis, les travailleurs immigrés n’osent plus chercher du travail de peur d’être expulsés. Or, "ils ont besoin de ces petits boulots. Ils ont des familles à nourrir", alerte le militant.

Cinq Mexicains ont été arrêtés début février par la brigade américaine de l’immigration et des douanes, ont rapporté des médias locaux.

Avec 4,6 % de chômage, Staten Island a atteint, fin 2016, un taux inégalé depuis dix ans. C’est justement la crainte des conséquences sur le marché de l’emploi et sur l’économie, qui a incité de nombreux habitants du quartier à glisser un bulletin Trump dans l’urne en novembre, analyse Sal Oliva.

Âgé de 32 ans, cet habitant de longue date de l’île travaille dans un hôtel du quartier chic de Manhattan, à deux pas de la Trump Tower. Il arrondit ses fins de mois avec des petits travaux de peinture et de décoration.

"Cette situation me pénalise financièrement parce que je me retrouve en compétition avec une main d’œuvre peu chère", explique-t-il. "De nombreuses personnes [de Staten Island] sont affectées par l’immigration illégale".

Sauver le pays

Sal Olivia ne cache pas son soutien à un président dont il est sûr qu’il va "sauver le pays". Il s’est même fait tatouer le portrait de Donald Trump sur le bras : "Je l’ai fait juste après qu’il a signé le décret sur la construction du mur avec le Mexique. J’étais tellement heureux qu’il tienne cette promesse". "Le gars qui me l’a fait était mexicain. Je suis sûr qu’il m’a arnaqué sur le prix", lâche-t-il finalement.

Sal Oliva est homosexuel, alors il se doute que son soutien à Donald Trump peut surprendre. Mais, pour lui, ce n’est pas incompatible. Surtout quand il s’agit de réduire significativement l’immigration en provenance de pays majoritairement musulmans.

Selon lui, les homosexuels souffriraient "d’une sorte de syndrome de Stockholm vis-à-vis de l’islam". "Ils tentent toujours de défendre les musulmans mais ces personnes brûlent les homosexuels dans les rues de leurs pays", juge-t-il, sentencieux.

Même à Staten Island, il est mal vu d’apporter publiquement son soutien à Donald Trump. "J’ai perdu des amis et certaines personnes que je connais depuis des années ne m’adressent plus la parole", raconte Sal Oliva. "Aujourd’hui, il est plus difficile de soutenir Trump que d’être gay, c’est incroyable !"

Traduit de l'anglais par Julia Dumont. Cliquez ici pour lire la version originale de l'article.