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Comment la nomination de Neil Gorsuch à la Cour suprême peut transformer l’Amérique

La nomination de Neil Gorsuch à la Cour suprême américaine peut avoir d’importantes implications sur la vie des Américains. Il peut faire pencher la balance dans nombre de décisions qui vont être politiquement très sensibles en 2017.

Il est considéré comme politiquement très conservateur tout en étant capable de prendre des décisions applaudies par la gauche américaine. Le profil de Neil Gorsuch, le candidat du président Donald Trump pour devenir le 9e juge à la Cour suprême, devrait lui permettre de passer sans trop d’encombre l’épreuve de la confirmation sénatoriale.

Si cette nomination était confirmée, Donald Trump aura probablement obtenu davantage sur le long terme pour la cause conservatrice que la flopée de décrets aussi médiatiques que controversés qu’il a signés depuis son accession au pouvoir, mais qui peuvent encore être annulés… notamment par la Cour suprême.

Neil Gorsuch permettra de donner un avantage aux conservateurs au sein de la plus haute autorité judiciaire du pays (qui compte actuellement quatre magistrats nommés par un président démocrate et quatre par un républicain). À 49 ans, il deviendra aussi le plus jeune juge nommé à un tel poste et risque donc de peser pendant longtemps sur la jurisprudence de la Cour suprême, puisque l’âge moyen de la retraite y est de 79 ans.

Le penchant politique de la vénérable institution fait toujours l’objet d’une bataille acharnée aux États-Unis. Normal : sur des questions aussi sensibles que l’avortement, la peine de mort, le droit de détenir des armes, les décisions de la Cour influent sur la vie de millions d’Américains pendant des décennies. Et son agenda sous l’ère Trump, rien que pour cette année, est chargé en affaires qui pourraient transformer le visage de l’Amérique.

Les droits des transgenres. Gavin Grimm voulait simplement aller aux toilettes de son école et ne savait pas que son envie pressante allait entraîner un débat national. L’adolescent de 17 ans, né fille mais qui s’identifie à un garçon, voulait utiliser les toilettes des hommes, ce que son école lui a refusé. Il a attaqué son établissement pour discrimination et la justice lui a donné raison en 2016. L’école a saisi la Cour suprême qui a accepté de se pencher sur l’affaire. C’était avant la victoire, à travers Donald Trump, de l’alt-right (droite alternative) et de son discours hostile à la communauté LGBT.

La séparation de l’Église et de l’État. Une église luthérienne gérant un centre d’accueil et une crèche s’est vu refuser un soutien financier de l’État du Missouri pour réaménager son aire de jeu pour enfant au motif que de l’argent public ne pouvait pas financer une église. L’institution religieuse a attaqué l’État en justice arguant que le refus était contraire au principe d’égalité de traitement aux yeux de la loi, car cela obligeait ses fidèles à choisir entre leur foi et un accès à des structures d’accueil bien équipées. La décision de la Cour suprême à ce sujet est très attendue dans un pays où le président prête serment sur une bible lors de la cérémonie d’investiture. Et dont la devise est "One nation under god" (Une nation sous le pouvoir de dieu).

À la frontière mexicaine. C’est un jugement, prévu pour février 2017, qui risque de faire du bruit dans le contexte du projet de construction d’un mur à la frontière mexicaine. La Cour suprême doit décider si les parents mexicains d’un enfant de 15 ans abattu côté mexicain par un garde-frontière américain peuvent intenter un procès pour “utilisation excessive de la force” aux États-Unis. L’administration Obama a demandé à la Cour suprême de ne pas ouvrir ce droit car les implications pourraient aller bien au-delà du cas tragique de ce garçon. Mais le Mexique et les avocats de la famille affirment qu’il le faut car sinon, il y aurait une zone de non-droit de facto à la frontière mexicaine où les gardes-frontières peuvent tirer sans craindre les conséquences. La justice mexicaine a bien inculpé le ressortissant américain pour meurtre, mais les États-Unis refusent de l’extrader.

Découpage électoral raciste ? La Cour suprême va étudier de plus près deux affaires de découpage électoral effectué par des majorités républicaines dans deux États. Ces politiciens sont accusés d’avoir redessiné les districts électoraux afin de rassembler au maximum les habitants afro-américains entre eux, pour que ces électeurs traditionnels du parti démocrate ne viennent pas remettre en cause le vote pro-républicain dans la majorité des districts. Ce genre de tour de passe-passe administratif est illégal depuis une décision de la Cour suprême à la fin des années 1960 qui avait été saluée comme une grande victoire judiciaire pour la cause afro-américaine. Visiblement, les républicains jugent que la balance est dorénavant davantage en leur faveur au sein de la Cour suprême, c'est pourquoi ils contestent cette interdiction.