Les points presse à la Maison Blanche sont devenus des spectacles à part entière depuis l’arrivée de Sean Spicer au poste de porte-parole. Il multiplie les gaffes sur des sujets aussi sensibles que l’holocauste ou l’immigration.
C’est sur un terrain glissant que Sean Spicer a fait sa dernière gaffe, lundi 30 janvier. En réponse à une question sur l’"oubli" par Donald Trump d’une mention des juifs dans un communiqué sur la mémoire de l’Holocauste, le porte-parole de la Maison Blanche a trouvé "pathétique" de se concentrer ainsi sur un point d’un texte paru cinq jours plus tôt. "Désolé, monsieur le porte-parole, ce n’est jamais ‘pathétique’ de défendre la mémoire de six millions de juifs tués", a rétorqué sur Twitter la Global Jewish Advocacy, plus ancienne association américaine de défense de la communauté juive.
L’épisode est symptomatique de ce que les points presse quotidiens à la Maison Blanche sont devenus sous l’ère Trump. Jour après jour, Sean Spicer apparaît de plus en plus débordé par le rythme effréné des annonces présidentielles et la capacité de Donald Trump à enchaîner les provocations et les polémiques.
Premier mème de l'ère Trump
Rien que le 30 janvier, il a multiplié les interventions qui ont laissé les journalistes pantois. Sean Spicer a ainsi assuré que l’équipe du Conseil national de sécurité était composée de la même manière sous Donald Trump que sous Georges W. Bush en brandissant deux feuilles… qui prouvent le contraire. La grande différence entre les deux : Donald Trump a invité son "stratégiste en chef", le très controversé et droitier Stephen Bannon, dans ce groupe très restreint. Georges W. Bush, lui, n’y avait admis que des ministres et des militaires, comme le veut la tradition.
Bush 01, Trump 17 NSCs are not "literally 100% the same"/"identical." No "chief strategist" in any of these three principals committees pic.twitter.com/twoPXo5JsZ
— Domenico Montanaro (@DomenicoNPR) 30 janvier 2017À une journaliste qui lui demandait pourquoi un enfant iranien de cinq ans pouvait être retenu plusieurs heures à l’aéroport en application du nouveau décret anti-immigration de Donald Trump, Sean Spicer a ensuite suggéré qu’il ne fallait pas "prendre en compte l’âge ou le sexe d’une personne pour évaluer sa dangerosité".
Sur le même thème de l’immigration, le porte-parole a soutenu que l’attentat du 29 janvier contre une mosquée au Quebec "était un terrible rappel de la nécessité de rester vigilant" aux frontières. Quelques heures plus tard, le Canada a confirmé avoir arrêté dans cet affaire un étudiant d’extrême droite qui était… fan de la page Facebook de Donald Trump.
Des maladresses qui peuvent surprendre pour un vétéran de la communication politique, porte-parole de la Convention républicaine pendant des années. Mais les habitués des points presse à la Maison Blanche depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump commencent à se faire au spectacle de la "voix" du président.
Après tout, il est à l’origine du premier mème (image virale détournée sur Internet) de l’ère Trump. Lors de sa toute première prestation, lundi 22 janvier, Sean Spicer avait soutenu sans broncher qu’il n’y avait jamais eu autant de "monde pour suivre une cérémonie d’investiture, point barre". Cette réponse définitive et fausse — des photos montrent que la foule présente lors de l’investiture de Barack Obama en 2009 était plus importante — est devenue le symbole de l’ère des "faits alternatifs", cette théorie défendue par une conseillère de Donald Trump selon laquelle il existerait une version différente de celle donnée par les médias traditionnels pour chaque événement.
"Prendre les coups des journalistes"
Sean Spicer s’est ensuite illustré par des attaques virulentes contre les journalistes, qu'il a accusés de mentir. Avant de prendre son poste de porte-parole (et chef de la communication présidentielle), ce républicain avait déjà pour habitude de désigner sur Twitter les articles qu’il jugeait trompeurs. Mais le ton utilisé par le porte-parole lors du premier point presse aurait même gêné Donald Trump, pourtant peu "pressophile", rapporte le site Politico. Il aurait été prié d’utiliser un ton plus diplomatique avec les médias.
I can throw a football over them mountains. Period.
- @seanspicer #SpicerFacts pic.twitter.com/UFdgkfaMnc
Pour le vétéran américain du journalisme politique Keith Olbermann, il ne fait plus aucun sens d’assister aux points presse de Sean Spicer. Les médias feraient bien mieux "d’enregistrer ses déclarations et de les diffuser ensuite pour souligner tous les mensonges et rétablir la vérité", affirme-t-il dans sa chronique pour le magazine GQ. Certaines publications, comme le New York Times, ont publié des appels à boycotter ces séances de questions réponses.
"Avec n’importe quel autre président, Sean Spicer aurait été recyclé à l’association américaine des boissons", s’amuse le site Politico, souvent critiqué par le porte-parole. Mais Donald Trump vient d’une autre dimension que ses prédécesseurs, souligne le site, et le rôle de Sean Spicer est "d’occuper stoïquement l’espace médiatique, prendre les coups des journalistes et être en désaccord avec les faits aussi longtemps qu’il peut". Il lui suffit de tenir debout jusqu’à la prochaine décision controversée de son patron de président.