Alors que les premières négociations directes entre le régime de Damas et les combattants rebelles depuis le début de la guerre en Syrie s'ouvrent lundi à Astana, l'opposition syrienne apparaît toujours aussi divisée.
La conférence sur la paix en Syrie s'ouvre, lundi 23 janvier, à Astana, au Kazakhstan. Pour la première fois, le régime de Damas et les combattants rebelles mèneront ces négociations en face-à-face pour tenter de renforcer le cessez-le-feu, instauré le 30 décembre et qui tient vaille que vaille malgré des violations régulières.
Ces pourparlers entre des émissaires de Bachar al-Assad et une délégation composée de rebelles, qui combattent sur le terrain et contrôlent certains territoires, s'annoncent plus militaires que politiques, les opposants restant cette fois cantonnés à un rôle de conseillers.
Soutenu politiquement et militairement par Moscou et Téhéran, Bachar al-Assad est en position de force, auréolé de sa victoire à Alep sur l'opposition modérée et les jihadistes, qui ont tenu des années durant la partie orientale de la grande ville du nord de la Syrie.
Les rebelles, qui participent à la conférence dans la capitale kazakhe, ne représentent qu'une partie de l'opposition, celle qui combat le régime de Bachar al-Assad au sein d'une alliance composite, l'Armée syrienne libre (ASL). La plupart de ses membres combattent dans le nord de la Syrie, souvent avec le soutien de la Turquie. La délégation rebelle devrait être composée de huit membres de la rébellion, qui seront conseillés par neuf opposants du Haut comité de négociation de l'opposition (HCN).
Une ombre au tableau : le plus important groupe combattant Ahrar al-Cham refuse de participer à la conférence d'Astana, mettant en avant les "violations" de la trêve par les forces gouvernementales. Considéré comme proche de la Turquie, ce groupe fort de milliers de combattants assure qu'il pourrait malgré tout apporter son soutien aux décisions prises à Astana si elles "[servaient] les intérêts de la nation".
La délégation rebelle sera conduite par Mohammed Allouche, chef de la branche politique du groupe Djaïch al-Islam, appartenant à l'aile modérée de la mouvance islamiste sunnite et dont le bastion se situe près de Damas. Mohamed Allouche, qui ne vit pas en Syrie, ne doit pas sa désignation à son poids au sein de la rébellion mais à son appartenance au HCN.
Les doutes du HCN sur les intentions de la Russie
Si le HCN dit son espoir de voir la conférence d'Astana contribuer aux discussions de paix que l'ONU entend poursuivre à Genève, l'opposition redoute que le processus enclenché par Moscou et Ankara serve avant tout à contourner les initiatives soutenues par les Nations unies et à creuser encore les divisions entre les rebelles.
"Aller à Astana, c'est encore plus dangereux que se rendre à Genève", commente Mohamed Aboud, membre du HCN. "À Genève, un front politique de l'opposition s'est dessiné et a obtenu une reconnaissance internationale, tandis qu'on cultive l'ambiguïté à Astana, d'autant que la conférence est soutenue par la Russie, qui est une force d'occupation et pas une médiatrice."
"La polarisation pourrait s'accentuer" au sein de l'opposition, ajoute-t-il. "C'est peut-être l'un des véritables objectifs des Russes."
Les initiatives russes ont en outre creusé le fossé entre les ailes modérées et islamistes, alimentant les tensions entre les factions comme à Idlib où elles se sont affrontées. La Russie présente, de son côté, la conférence comme un moyen de faire progresser la paix en discutant directement avec les rebelles. Pour Moscou, l'objectif est de consolider le cessez-le-feu en place depuis la fin de la bataille d'Alep.
Cependant, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a estimé, dans une interview diffusée samedi par la télévision russe, "improbable" de parvenir à des accords à Astana car "beaucoup trop de parties sont impliquées dans ce processus".
Ni États-Unis, ni Qatar, ni Arabie Saoudite
La Turquie, qui soutient certains groupes d'opposition, est également à l'origine du processus d'Astana et des sources diplomatiques affirment qu'Ankara a exercé des pressions sur des groupes rebelles pour qu'ils se rendent dans la capitale kazakhe. Les autorités turques ont récemment révisé leurs objectifs en renonçant à réclamer le départ d'Assad pour se concentrer sur la lutte contre l'organisation terroriste État islamique et les milices kurdes des Unités de protection populaire (YPG).
Les États-Unis n'enverront du reste aucune délégation à Astana, où seul leur ambassadeur en poste au Kazakhstan sera présent, en tant qu'observateur. Les perspectives pour les rebelles modérés sont encore plus incertaines du fait de l'arrivée au pouvoir à Washington de Donald Trump, qui a laissé entendre qu'il pourrait revoir à la baisse le soutien américain.
Avec AFP et Reuters