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Selahattin Demirtas et Fiden Yüksekdag, les co-présidents du Parti démocrate des peuples, pro-kurde, encourent respectivement 142 ans et 83 ans de prison en Turquie pour "diriger une organisation terroriste".

La vaste purge étatique entamée par le président turc, Recep Tayyip Erdogan, au lendemain du putsch manqué de juillet 2016, continue. Mardi 17 juillet, le parquet de Diyarbakir (sud-est de la Turquie) a requis 142 ans de prison contre Selahattin Demirtas et jusqu'à 83 ans d'emprisonnement pour Fiden Yüksekdag, les deux co-présidents du Parti démocrate des peuples (HDP), le principal parti pro-kurde.

Les deux politiciens avaient été arrêtés en novembre avec une dizaine d'autres députés du parti, dont l'immunité avait été levée. Ils sont accusés d'appartenir ou de soutenir le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui mène depuis trois décennies une lutte armée pour demander plus de droits et d'autonomie pour les Kurdes. L'organisation, classée "terroriste" par la Turquie, les États-Unis et l'Union européenne, est dirigée par son fondateur Abdullah Öcalan, emprisonné en Turquie depuis 1999.

Le HDP a pourtant toujours nié farouchement être une vitrine politique pour le PKK. Selahattin Demirtas, 43 ans, affirme être puni pour s'être opposé au projet de présidentialisation du système voulu par Recep Tayyip Erdogan.

La semaine dernière, le député du HDP avait fait parvenir au Parlement un texte dans lequel il affirmait que le débat et le vote de ce projet en cours à la Chambre étaient faussés par l'absence des députés pro-kurdes emprisonnés. Selon l’agence pro-gouvernementale Anadolu, Selahattin Demirtas est poursuivi notamment pour "diriger une organisation terroriste", "diffusion de propagande" favorable à la rébellion kurde, et "incitation à la haine et à l'hostilité".

Le HDP est également tenu pour responsable d'une série de manifestations en octobre 2014, menées par les militants pro-kurdes opposés à la politique menée par la Turquie en Syrie. Les affrontements qui avaient émaillé ces protestations avaient coûté la vie à 31 personnes.

Étouffer toute voix critique

Ankara a lancé une vague d'arrestations sans précédent après la tentative de putsch du 15 juillet, imputée par Ankara au prédicateur Fethullah Gülen, installé aux États-Unis. Au-delà des putschistes présumés, les purges ont visé les milieux pro-kurdes et les médias. Des ONG et des responsables de l'opposition accusent le pouvoir de profiter de l'état d'urgence en vigueur depuis le putsch avorté pour étouffer toute voix critique.

Le HDP affirme ainsi que plus de 50 maires qui lui sont affiliés ont été arrêtés en novembre.

Surnommé par certains le "Obama kurde", Selahattin Demirtas est devenu un acteur-clé de la scène politique turque et a réussi à transformer le HDP en une formation de gauche moderne, lui permettant de devenir le deuxième parti d'opposition en Turquie.

Avec AFP