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Élection de Donald Trump : "Une bonne affaire pour Pékin"

Malgré les déclarations antichinoises du candidat Donald Trump, plusieurs économistes estiment que l'arrivée du milliardaire à la Maison Blanche est une bonne nouvelle pour Pékin. Explications.

Donald Trump en avait fait l’un de ses arguments de campagne : “Rendre sa grandeur à l’Amérique”... au détriment de la Chine. Le nouveau président avait promis de combattre un pays accusé de “manipuler les devises”, et de lui imposer des droits de douanes allant jusqu’à 45 %. Il voulait même forcer des entreprises américaines, comme Apple, à relocaliser leur production “made in China” aux États-Unis.

À priori, une présidence Trump risque de déboucher sur une guerre commerciale entre les deux premières puissances économiques du monde. L’un des conseillers de campagne de Donald Trump, l’économiste Peter Navarro, est d’ailleurs connu pour mettre le déclin industriel américain sur les seules épaules chinoises.

Pékin “ne craint pas Donald Trump”

Face à cette rhétorique guerrière, le président chinois Xi Jinping a adopté un ton conciliant pour saluer l’arrivée du milliardaire à la Maison Blanche. “Je suis impatient de travailler avec lui sans confrontation et sans conflit”, a-t-il affirmé, mercredi 9 novembre.

Pourtant, deux spécialistes de l’économie chinoise interrogés par France 24 jugent que le danger d’une confrontation est en réalité faible. “Paradoxalement, je pense que la victoire de Donald Trump est une bonne affaire pour Pékin”, assure Jean-François Dufour, responsable du China control panel au sein du cabinet de conseil Montsalvy Consulting. “Les Chinois ne craignent pas vraiment Donald Trump et éprouvent même une certaine sympathie pour lui”, assure de son côté Mary-Françoise Renard, directrice de l’Institut de recherche sur l’économie de la Chine (IDREC).

À cela, plusieurs raisons. D’abord, les menaces proférées pendant la campagne ont tout du “discours caricatural pour séduire un certain électorat”, assure Mary-Françoise Renard. Donald Trump “sait, par exemple, que l’instauration des tarifs douaniers entraînera une hausse des prix des produits importés de Chine ce qui va à l’encontre de son grand dessein d’améliorer le pouvoir d’achat des Américains”, précise Jean-François Dufour.

"J'ai hâte de pouvoir avoir un des ces magnifiques emplois en usine que Trump va ramener de Chine aux États-Unis. Des produits plus chers, faits par moi!"

Il y a aussi un principe de réalité que Donald Trump, le chef d’entreprise, connaît bien. “Il ne faut pas oublier qu’il essaie actuellement de faire des affaires en Chine, avec notamment la volonté d’y ouvrir un complexe hôtelier, et qu’il a donc intérêt à soigner ses relations avec Pékin”, note Jean-François Dufour.

Mieux qu’Hillary Cliton

Par ailleurs, le discours protectionniste du nouveau président sonne mieux aux oreilles des autorités chinoises que le programme de sa rivale démocrate malheureuse Hillary Clinton. “La seule chose que Pékin redoute est qu’un pays tiers cherche à intervenir dans ses affaires intérieures, et la Chine croit qu'il est toujours possible de négocier les questions financières et économiques", explique Mary-Françoise Renard. Hillary Clinton aurait poursuivi la politique de Barack Obama qui a cherché à concurrencer l’influence chinoise en Asie. Donald Trump n’a pas la volonté de reprendre ce flambeau et “Pékin aura pendant les prochaines années les coudées franches en Asie”, résume Jean-François Dufour.

Cette promesse d’un repli sur soi américain représente même une véritable opportunité économique pour la Chine. “La concurrence sera également moins forte dans d’autres régions du monde [Afrique, Amérique Latine] où Pékin et Washington s’affrontaient pour gagner des parts de marché”, note l’économiste français.

Le décalage entre le discours électoral et la réalité de la présidence Trump risque même d’éclater au grand jour très rapidement. Le milliardaire a promis de dépenser 1 000 milliards de dollars pour rénover les infrastructures américaines “sans hausse d’impôt”. Il faudra pourtant bien trouver l’argent quelque part et, rappelle Jean-François Dufour, la Chine est de loin “le pays qui détient les plus importantes réserves de dollars”. Difficile pour Donald Trump d’espérer un prêt de Pékin s’il ne tire pas un trait sur son discours antichinois.