
À moins de trois semaines de la primaire de la droite, la tension monte autour de l'organisation du vote. Anne Levade, présidente de la Haute autorité, chargée de veiller au respect des règles du scrutin, est confiante. Entretien.
À 46 ans, la juriste Anne Levade, présidente de la Haute autorité pour la primaire de la droite et du centre, a la lourde responsabilité de veiller au bon respect du scrutin, qui se tient les 20 et 27 novembre 2016. Nous avons interrogé cette professeure de droit sur les modalités et les risques de ce vote.
France 24 : Le mauvais souvenir de l’élection de la présidence de l'UMP en 2012 et l’intervention de la fameuse Cocoe (Commission d'organisation et de contrôle des opérations électorales de l'UMP) restent dans toutes les mémoires. Quelles sont les mesures de contrôle que vous avez prises pour éviter un nouveau psychodrame à droite ?
Anne Levade : Notre préoccupation au sein de la Haute autorité a été de coller au plus près des règles qui s’appliquent à toute élection nationale et non pas celles d’une élection interne à un parti. Certes, cette élection a certaines spécificités mais il n’y a aucune raison pour qu’il y ait davantage de problèmes que pour une élection nationale.
Nous avons un nombre conséquent de bureaux répartis sur l’ensemble du territoire. Ils seront organisés de la même manière que n’importe quel bureau de vote, avec la présence d’assesseurs et de représentants des candidats. Comme chaque élection nationale ou locale, les électeurs devront passer par un isoloir pour mettre leur bulletin dans une enveloppe avant de la glisser dans une urne. La seule différence tient dans le fait que les électeurs devront signer la charte de l’alternance, dans laquelle le votant doit affirmer partager les valeurs républicaines, et verser deux euros.
Nous n’avons pas de crainte particulière sur l’organisation et le respect des règles du scrutin. Les recours ou contestations font partie de toute élection. Nous n’excluons pas qu’il y ait, sur les 10 228 bureaux, des annulations de résultats parce qu’une irrégularité y a été avérée. Nulle part dans le monde une élection ne se déroule sans aucune contestation ponctuelle.
Il n’y aura tout de même pas de vote par procuration les 20 et 27 novembre, comme cela existe dans n'importe quelle élection républicaine. Et l’on sait que les procurations avaient été à l’origine des soupçons de fraude lors de l’élection interne de l’UMP de 2012…
L’interdiction de la procuration a fait l’objet d’un accord politique, inscrit dans la charte de la primaire par les partis politiques et les candidats. Cet accord de principe est dû à des raisons pratiques évidentes : nous n’avons pas les moyens de mettre en place, avec le ministère de l’Intérieur, un dispositif d’établissement des procurations établies dans les commissariats, les gendarmeries ou les mairies. Et nous n’avons pas non plus les moyens de mettre nous-mêmes en place ce genre de dispositif et de garantir leur régularité.
Comment s’effectueront le comptage des votes et la divulgation des résultats ?
Nous avons fait le choix d’un circuit court entre les bureaux de vote et la Haute autorité. Les résultats seront remontés par chaque président de bureau via une plateforme électronique et un centre d’appel téléphonique avec des dispositifs de contrôle mis en place à chaque étape. Nous avons, par ailleurs, opté pour une heure de fermeture commune. À partir de 19 h, tous les bureaux de vote seront clos et le dépouillement pourra avoir lieu.
Nous avons également fait le choix de mettre en ligne les résultats de la primaire en temps réel sur le site de la primaire dès lors que l’on aura un nombre significatif de suffrages. Les premiers résultats devraient raisonnablement être connus à partir de 20 h 30 dans les petits bureaux de vote où le dépouillement sera rapidement effectué. Les internautes pourront ainsi suivre l’arrivée des résultats au fur à et mesure de la soirée. Nous aurons vraisemblablement l’intégralité des remontées des bureaux de vote vers 23 h. Nous ne pourrons parler de résultats définitifs qu’après avoir étudié les éventuels recours.
Le recrutement des volontaires pour tenir les bureaux de vote a été laborieux. Où en êtes-vous à ce jour ?
C’est un processus de longue haleine que nous avons lancé au mois de juin. Nous avons le nombre d’assesseurs et de présidents de bureaux de vote suffisant pour les 20 et 27 novembre, à l’exception de quelques rares circonscriptions qui sont traditionnellement plus à gauche. Pour le reste, nous sommes prêts.
Les candidats pourront-ils faire campagne jusqu’à l'heure du vote ou seront-ils soumis à une réserve avant le scrutin ?
Là encore, nous avons choisi de nous aligner sur une élection nationale. Donc l’heure de clôture de la campagne officielle est prévue le vendredi précédant chacun des tours du scrutin à minuit pour laisser une période de latence. Nous repréciserons aux candidats et à leurs soutiens de ne pas prendre de positions politiques pendant ce temps pour que les électeurs puissent se rendre aux urnes l’esprit serein. Les médias seront également invités à respecter la même réserve. Le respect de ces règles est dans l’intérêt de tous. Mais il en va de la responsabilité de chacun…
À titre personnel, cette immersion dans le monde politique ne vous a-t-elle pas donné l’envie de goûter de plus près à la politique ? Surtout si la droite remporte cette élection…
À la tête de la présidence de la Haute autorité, je ne peux pas dire que j’ai goûté à la politique, mais juste à l’organisation d’une élection politique. Cette mission est une expérience extraordinaire, passionnante, prenante, très chronophage. Mais je ne l’ai pas acceptée avec des ambitions particulières. Je suis dans mon rôle de juriste et je ne nourris pas d’arrière-pensées pour la suite. Après la primaire, je vais retrouver ma vie d’universitaire, les amphithéâtres, les étudiants, les colloques dans lesquels j’interviens, les articles que j’ai un peu laissé de côté. J’ai une vie en dehors de cette primaire et la retrouver sera très bien.