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France : le siège du PS au bord de la crise de nerf

Depuis plusieurs semaines, une crise sociale sans précédent secoue le siège du Parti socialiste, à Paris. Pour tenter d’endiguer la crise, Solférino a recruté un cabinet spécialisé dans la prévention des risques psychosociaux.

Les salariés du siège du Parti socialiste (PS) sont au bord de la crise de nerf. Démissions en pagaille, multiplication des arrêts de travail, burn-out… Pour faire face au malaise qui pèse actuellement sur les permanents de la rue Solférino, les dirigeants de l’organisation politique se sont alloués depuis la mi-septembre les services d’experts du cabinet Syndex, spécialisés dans la prévention des risques psychosociaux, d’après un article publié mercredi 5 octobre par Mediapart. L’objectif de la direction est clair : apaiser le climat détestable qui règne au siège de PS.

Entre "burn-out" et "bore-out"

À en croire les informations collectées par Mediapart, une vingtaine de départs et huit arrêts de travail ont été enregistrés entre avril 2016 et l’été 2016 sur les 120 employés que compte l’organisation. Si le parti dément les chiffres avancés par Médiapart, il ne conteste en revanche pas l’existence d’un certain "vague à l’âme" qui règne dans les locaux de la rue de Solférino.

Le mal-être qui a gagné les travailleurs ne date pas d’hier. Il y a un an déjà, une petite phrase du premier secrétaire du parti, Jean-Christophe Cambadélis, glissée dans un article de L’Obs du 16 mai 2015 soulignant que les "permanents n’[etaient] pas au maximum de leur capacité de travail" avait mis le feu aux poudres. Depuis, la situation n’a cessé de se détériorer. Pas moins de trois assemblées générales du personnel et une quatrième réunion organisée en présence de Jean-Christophe Cambadélis, ont été tenues entre avril 2016 et l’été 2016 pour tenter de venir à bout de la crise.

"Paranoïa" à Solférino

Les travailleurs déprimés mettent en cause une gestion managériale catastrophique, "jugée 'brutale' et 'clanique'", selon le média en ligne. Soucieux de tenir au secret des informations jugées sensibles, Jean-Christophe Cambadélis ne travaillerait qu’avec "un cercle restreint de collaborateurs" dans un climat de "paranoïa". "L’actuel patron du PS est aussi beaucoup moins présent au sein des locaux que ne pouvaient l’être ses prédécesseurs, assure en outre à France 24 Julien Fretel, professeur de science politique à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et spécialiste des partis politiques. François Hollande, Martine Aubry ou Harlem Désir savaient se rendre disponibles pour les événements internes comme les pots de départ, ce qui maintenait une cohésion entre la direction et les employés."

Autre grief : le personnel accuse également l’une des plus proches collaboratrices de Jean-Christophe Cambadélis, Karine Gautreau, de s’être régulièrement rendue coupable de "violences verbales" et de "pressions" envers des salariés. Comble de l’ironie, l’ancienne assistante parlementaire de Cambadélis dans les années 1990, recrutée par le parti comme chef de cabinet puis rétrogradée au poste de directrice de la communication, a elle aussi a été mise en arrêt de travail, victime d’un burn-out.

À la crise de confiance et aux humiliations s’ajoute le recours fréquent à des prestataires extérieurs. Ainsi, la communication du parti est fréquemment prise en charge par l’agence Opérationnelle, dont le patron n’est autre que Gérard Obadia, un proche de Cambadélis qui militait à ses côtés lorsqu’il était membre de l’Organisation communiste internationale (OCI). Le site Internet, autrefois géré à Solférino, a lui aussi été entièrement remis entre les mains de ladite agence.

En plus d’être dispendieuse, cette gestion tient de nombreux employés éloignés des missions qui leurs étaient confiées jadis au point d’avoir "le sentiment de travailler dans le vide", a notamment confié à Médiapart une ancienne de Solférino, sous couvert d’anonymat.

Un climat pas tout rose

L’amertume est d’autant plus profonde chez les permanents de Solférino qu’ils avaient accueilli avec enthousiasme l’arrivée de "Camba" à la tête du parti. "Sous Harlem, c’était morne plaine. Il ne se passait rien ; personne ne faisait rien", révèle un salarié à Médiapart. "Quand il est arrivé, les gens étaient contents après une période atone".

Au siège du parti, on impute ces difficultés au climat maussade qui règne à l’approche des élections présidentielles et législatives. Une position derrière laquelle se range volontiers Christian Delporte, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. "Le PS se dirige vers une défaite annoncée. Les militants sont mal reçus sur les marchés. Tous les voyants sont au rouge. Les salariés ont raison d’être inquiets car on risque de réduire le nombre de postes après les élections."

Autre difficulté : "Les salariés du PS doivent faire face à une mutation profonde de leurs métiers, note Julien Fretel. Avec l’arrivée du numérique, la gestion de l’open data, les employés qui étaient encore recrutés pour leur militantisme hier sont souvent déclassés par des jeunes recrutés avant tout pour leurs compétences techniques. Cette nouvelle situation peut créer un certain malaise au sein même du parti."

Jusque-là, les salariés du PS avaient pourtant tout pour être heureux. Car l’organisation politique fait figure de bon élève en matière de conditions de travail. Les permanents ne travaillent en effet que 33 h 45 par semaine et jouissent d’une convention collective particulièrement généreuse.

Reste à savoir si la crise interne aura des conséquences sur les élections à venir. "Plus le siège d’un parti endure des difficultés, moins il est capable de soutenir les militants et les élus sur le terrain, estime Julien Fretel. Les difficultés du PS risquent donc d’avoir un impact négatif sur les prochaines campagnes électorales."