Près de 150 députés iraniens ont signé cette semaine une proposition d’amendement visant à réduire sensiblement les condamnations à mort pour trafic de drogues. En 2013, plus de 70 % des exécutions ont été prononcées contre des trafiquants.
Exécutions, détentions arbitraires, persécution des opposants politiques, atteinte aux libertés fondamentales : année après année, Téhéran continue d‘afficher un très mauvais bilan en matière des droits de l’Homme. L’Iran fait notamment partie du trio de tête des pays qui appliquent le plus la peine de mort, avec la Chine et l’Arabie saoudite. Rien qu’en 2015, la République islamique a ordonné l’exécution de 966 personnes.
Dans un rapport de 19 pages publié la semaine du 3 octobre par les Nations unies sur la situation des droits de l’Homme en Iran (dénoncé, sans surprise, par Téhéran), le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a déploré la situation. Le diplomate sud-coréen s’est surtout dit "profondément troublé" par le "taux alarmant" d’exécutions de condamnés à mort alors que le président modéré Hassan Rohani avait promis d’agir dans ce domaine.
Réduire les exécutions pour le trafic de drogues
Toujours est-il que certains responsables iraniens tentent de changer la donne. La même semaine, près de 150 députés ont en effet signé une proposition d’amendement visant à commuer les condamnations à la peine de mort d’individus poursuivis pour trafic de drogues en peines de prison, sachant que la majorité des peines capitales sont liées à des affaires de ce type. En 2013, plus de 70 % d'entre elles ont été prononcées contre des trafiquants.
Selon les parlementaires, la sévérité du châtiment n'a pas permis de faire reculer le trafic dans le pays. "La grande majorité de ceux qui ont été exécutés ou qui sont dans le couloir de la mort sont de petits dealers, primo-condamnés, et leur mort s’avère désastreuse pour leurs familles", a expliqué, le 4 octobre, le député Jalil Rahimi Jahanabadi à l’agence Isna.
Le signataire de la proposition d’amendement a précisé que la peine de mort ne devrait être prononcée que dans des cas très précis, comme en cas de récidive, ou contre les barons du trafic.
Une initiative vouée à l’échec ?
L'initiative des députés est pour le moins audacieuse dans un pays où le droit pénal découle de la charia, en vertu de laquelle le trafic de drogue est passible de la peine capitale. Elle est aussi, et surtout, le premier test pour l’aile modérée du Parlement, issu des élections législatives de mai qui s’étaient soldées par la défaite des conservateurs.
Cependant, leur proposition risque de rester lettre morte. Car l’aile dure de la République islamique a affiché son intention d’empêcher l’assouplissement de la loi. Le chef du pouvoir judiciaire, Sadegh Larijani, avait déjà rejeté les critiques contre la loi actuelle et avait demandé aux procureurs iraniens de poursuivre l’application des peines de mort une fois le verdict tombé. Il avait affirmé que si "la justice n’avait pas été aussi stricte et expéditive, la situation [du trafic de drogue, NDLR] aurait été bien pire dans le pays".
Mostafa Pour-Mohammadi, le ministre actuel de la Justice issu du camp conservateur, s’oppose lui aussi très clairement à une telle évolution. "Il y a des cas où une personne est une source de corruption, et son existence n’engendrera que la corruption", a-t-il asséné dans un entretien à l’agence officielle Irna.
Si au terme du processus législatif, les signataires du projet remportent la bataille au Parlement, l’amendement pourrait être tout de même bloqué par le Conseil des gardiens de la Constitution, lui-même contrôlé par le guide suprême Ali Khamenei. Ce dernier, qui a toujours le dernier mot, ne s’est pas pour l’instant exprimé sur le sujet.