Le Sénat brésilien devrait, par un vote historique mercredi, destituer la présidente du Brésil Dilma Rousseff, suspendue depuis plusieurs mois, au terme d'une procédure juridico-politique hautement controversée.
Dilma Rousseff vit ses dernières heures à la tête du Brésil : sauf improbable coup de théâtre, les sénateurs voteront, mercredi 31 août, à Brasilia, la destitution de la présidente pour maquillage des comptes publics au terme d'une procédure juridico-politique hautement controversée.
Michel Temer, 75 ans, ex vice-président de Rousseff dont il a précipité la chute, assumera alors pleinement la présidence. Il l'exerce déjà à titre intérimaire depuis la suspension, le 12 mai par le Sénat, de la première femme élue, en 2010, à la tête du cinquième pays le plus peuplé de la planète.
Le géant émergent d'Amérique latine, englué depuis la réélection de Dilma Rousseff, fin 2014, dans une crise politique et économique, sur fond de méga-scandale de corruption, tournera ainsi la page de 13 ans de gouvernements du Parti des travailleurs (PT, gauche).
Une longue page d'histoire marquée par le "miracle" socio-économique des années 2000, impulsé par Lula, qui a vu sortir 40 millions de Brésiliens de la misère. Tout cela avant les affaires de corruption et un brutal retournement économique qui ont plongé le Brésil et Rousseff vers l'abîme.
Le verdict va tomber au sixième jour d'un procès marathon, de dizaines d'heures de débats techniques. Les 81 sénateurs devront répondre à la question : "Dilma Rousseff a-t-elle commis un crime de responsabilité ?" S'ils sont 54 (les deux tiers) à voter "oui", elle sera écartée définitivement du pouvoir. Dans le cas contraire, elle réintègrerait immédiatement ses fonctions.
"Les chances de l’impeachment sont de 99 %"
Selon un décompte effectué par le quotidien Folha de Sao Paulo, le plancher est déjà atteint, avec 54 sénateurs pour, 20 contre et 7 indécis.
"La probabilité que Dilma Rousseff ne soit pas destituée est quasi-nulle. J'estime que les chances de l'impeachment sont aujourd'hui de 99 %", déclare à l'AFP Adriano Codato, professeur et analyste politique de l'Université fédérale du Parana. "Plusieurs sénateurs ont déjà déclaré que le jugement n'est au fond ni technique, ni juridique, ni financier, ni comptable, mais politique. Or elle n'a plus la majorité", argumente-t-il.
Pour ses défenseurs, il s'agit d'un "coup d'État" institutionnel orchestré par l'opposition de droite et Michel Temer. "Votez contre la destitution, votez pour la démocratie", avait lancé Rousseff aux sénateurs, dont plus de la moitié sont soupçonnés de corruption ou visés par une enquête.
Le vice-président avait porté un coup fatal à cette ex-guérillera de 68 ans torturée et emprisonnée sous la dictature militaire (1964-1985) en poussant en mars son grand parti centriste, le PMDB, arbitre de toutes les majorités de gouvernement depuis 1994, à claquer la porte de sa coalition.
Conscience tranquille
Dilma Rousseff a martelé avec force avoir la "conscience tranquille de n'avoir commis aucun crime de responsabilité".
Le motif officiel de cette destitution annoncée ? Le maquillage des comptes publics pour camoufler l'ampleur du déficit. Mais en réalité, Dilma Rousseff est attaquée "pour avoir osé remporter une élection qui contrariait les intérêts de ceux qui voulaient changer le cap du pays et ne pas avoir empêché la poursuite des enquêtes sur la corruption au Brésil", a affirmé mardi son avocat, l'ex-ministre de la Justice José Eduardo Cardozo.
Tout aussi impopulaire que sa rivale, Michel Temer se prépare à prêter serment au Sénat dans la journée, selon des sources de son entourage et du Sénat interrogées par l'AFP.
En quête d'adoubement international, il devrait ensuite s'envoler immédiatement vers la Chine pour participer à un sommet du G20, où il tentera de redorer le blason terni du Brésil et de faire oublier les huées dirigées contre lui lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques du Rio de Janeiro.
Quant à Dilma Rousseff, elle devrait, sitôt le couperet tombé, quitter immédiatement Brasilia et la vie politique pour rejoindre son domicile de Porto Alegre (sud).
Avec AFP