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Le journal franco-turc Zaman France, réputé proche de Gülen, ne paraîtra plus

Zaman France n’aura survécu que quelques semaines au quotidien national turc Zaman fermé fin juillet - comme 130 autres organes de presse turcs - à la suite de la tentative de putsch contre le président Recep Tayyip Erdogan.

"C'est avec regret et tristesse que nous annonçons à nos lecteurs la fin de la parution papier et Internet de Zaman France", a annoncé lundi 29 août sur son site Internet la rédaction du journal franco-turc Zaman France, basée à Paris, dans un article intitulé "L'aventure Zaman France se termine".

Selon le site, les raisons de la fermeture du média sont à chercher du côté d’Ankara : "La violence du climat politique actuel en Turquie et la tournure inquiétante qu'ont pris les événements ne permettent plus à notre rédaction d'accomplir correctement son travail journalistique au vu des risques sécuritaires grandissants qui pèsent actuellement sur nos abonnés et nos lecteurs, ainsi que ceux qui frappent plus spécifiquement les membres de la rédaction de Zaman France", précise ainsi l’article signé "la rédaction". Ainsi, des journalistes de la rédaction auraient reçu "pas moins de deux cents menaces de mort", selon le site. Sur Twitter, le rédacteur en chef de Zaman France insiste sur le fait que la décision est lié à "des risques sécuritaires".

La décision est liée aux risques sécuritaires qui pèsent actuellement sur nos abonnés et nos lecteurs et les membres de la rédaction.

— Emre Demir (@emredemirfr) 29 août 2016

De fait, le média était considéré comme proche de Fethullha Gülen, accusé par Recep Tayyip Erdogan d’être l’instigateur du putsch manqué du 15 juillet. "La fermeture de Zaman France était prévisible après ce qui est arrivé à la maison mère", estime Marc Saghié, chef de service Moyen-Orient à Courrier international. Car Zaman France, qui existe depuis 2008, était une déclinaison du quotidien turc Zaman ("Le Temps"), lancé en 1986 et considéré comme le principal média güleniste.

"En Turquie, Zaman était un journal très populaire, tiré à 600 000 exemplaires. Ils défendaient un islam politique modéré", explique Marc Saghié. "C’était un journal qui avait une culture démocratique en interne. Dans la rédaction, il y avait des femmes journalistes non voilées. Ils ne pratiquaient pas la langue de bois", poursuit le journaliste de Courrier international

L’aventure Zaman en Turquie a pris fin il y a déjà plusieurs semaines : comme 130 autres organes de presse - dont sa version anglaise Today's Zaman - le journal a été fermé le 27 juillet par les autorités turques en représailles de la tentative de coup d’État du 15 juillet. Mais depuis plusieurs mois, Zaman n’était déjà plus le grand journal d’opposition qu’il avait été : fin 2015, son rédacteur en chef avait démissionné en invoquant des pressions gouvernementales. En mars, le quotidien avait été mis sous tutelle judiciaire. Depuis, la ligne pro-Erdogan était de mise, au point que le journal avait été qualifié de journal "de propagande" par d'anciens journalistes du quotidien.

Bien que le média franco-turc ait condamné "sans ambigüité" la tentative de coup d'État du 15 juillet, Zaman France apparait comme une victime collatérale de la purge des médias en Turquie.

Dans son dernier article, Zaman France fait un parallèle entre sa situation et celle "que vivent des milliers de Turcs". "La situation est catastrophique en Turquie. Il n’y a plus de médias turcs", estime Marc Saghié, ajoutant que "des milliers de journalistes sont en prison et ceux qui ne le sont pas doivent la boucler". Cet observateur de la presse internationale ne se souvient pas d’un tel précédent ailleurs dans le monde.

Zaman peut-il se relever d’une façon ou d’une autre ? "Si relève il y a, elle viendra d’Allemagne, où il y a une forte communauté turque", estime Marc Saghié.