
Le Conseil d'État a suspendu vendredi l'arrêté anti-burkini pris par la ville de Villeneuve-Loubet. Plusieurs maires d'autres communes interdisant le burkini sur la plage ont annoncé maintenir l'arrêté malgré la décision de l'institution publique.
Le Conseil d'État, plus haute juridiction administrative française, a suspendu, vendredi 26 août, l'ordonnance du tribunal administratif de Nice qui avait autorisé l'arrêté dit "antiburkini". Cet arrêté interdisait aux baigneurs portant des vêtements religieux l'accès aux plages de Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes).
Dans cette décision de dernier recours, qui fera jurisprudence en France, le Conseil d'État rappelle à tous les maires qui ont invoqué le principe de laïcité qu'ils ne peuvent se fonder sur "d'autres considérations" que celles de l'ordre public, du "bon accès au rivage, [de] la sécurité de la baignade ainsi que l'hygiène et la décence" pour interdire l'accès aux plages.
[Communiqué de presse] Ordonnance du 26 août 2016 pic.twitter.com/WyxqACb9jk
— Conseil d'État (@Conseil_Etat) 26 août 2016Pour voir les images et vidéos sur vos tablettes et mobiles, cliquez ici.
Arrêté anti-burkini maintenu dans d'autres villes
"La mesure est suspendue, donc les policiers ne peuvent plus verbaliser", a réagi à chaud l'un des avocats niçois de la commune de Villeneuve-Loubet, Me Olivier Suarès. Dorénavant, les maires devront lever l'arrêté anti-burkini ou ce dernier sera suspendu par les juridictions locales, en vertu de la décision du Conseil d'État.
Plusieurs maires, dont ceux de Nice (Alpes-Maritimes), Fréjus (Var) ou encore Sisco (Haute-Corse) ont d'ores et déjà annoncé vendredi soir maintenir leurs arrêtés anti-burkini, malgré la décision de l'institution publique. À Nice, les femmes portant un burkini "continueront d'être verbalisées", tant que l'arrêté n'est pas invalidé, a notamment expliqué la commune.
Le Conseil d'État avait été saisie en urgence par la Ligue des droits de l'homme (LDH) et le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), pour qui ce type d'arrêté, pris dans plusieurs dizaines de villes balnéaires depuis fin juillet, était jugé "liberticide". Les maires à l'origine de ces arrêtés invoquaient eux des risques de troubles à l'ordre public.
Le Conseil d’État invoque l’absence de risque de trouble à l’ordre public
"À Villeneuve-Loubet, aucun élément ne permet de retenir que des risques de trouble à l'ordre public aient résulté de la tenue adoptée en vue de la baignade par certaines personnes", peut-on lire dans un communiqué du Conseil d'État. "En l'absence de tels risques, le maire ne pouvait prendre une mesure interdisant l'accès à la plage et la baignade."
À l'audience jeudi, un autre avocat de Villeneuve-Loubet, François Pinatel, avait assuré que les burkinis y étaient devenus "pléthoriques" avant le 5 août, quand l'arrêté a été pris, et contribuaient à crisper le climat "dans une région fortement éprouvée par les attentats".
"La décision du Conseil d'État sur le burkini s'inscrit dans une logique" estime Ismael Ferhat, maître de conférence sur la laïcité et les politiques éducatives à l’université de Picardie interrogé par France 24. "Depuis 1989, les avis du Consiel d’État ont été constants. C’est l’idée que le principe de laïcité, c’est d’abord l’État, les services publics, et leur rapport aux religions, et ceci ne concerne pas les citoyens ordinaires" a-t-il expliqué.

Le CCIF menace de saisir le Conseil d'État pour les autres communes
Le directeur du CCIF, Marwan Mohammed, a immédiatement salué la suspension de l'arrêté anti-burkini par le Conseil d'État, jugeant cette décision "symbolique" mais pas "suffisante". Il a menacé les maires qui ont pris des arrêtés anti-burkini dans d'autres communes et qui ne les retirent pas de contester "chacuns d’entre eux dans les juridictions locales et au Conseil d'État".
À peine l'arrêté anti-burkini de Villeneuve-Loubet suspendu par le Conseil d'État, plusieurs élus de droite ont réagi en indiquant qu'ils souhaitaient légiférer et proposer une loi d'interdiction du vêtement de baignade à l'échelle nationale, tandis que des élus de gauche, de leur côté, ont exprimé leur soulagement.
Avec AFP et Reuters