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Bernard Cazeneuve s’allie à l’Allemagne pour lutter contre les messageries chiffrées

Elles ont maintes fois été évoquées par le gouvernement français comme un obstacle au combat contre le terrorisme. Désormais, les messageries utilisant le chiffrement pourraient devenir une cible au niveau européen.

"Armer véritablement nos démocraties sur la question du chiffrement", tel est l’objectif fixé par le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve à l’issue d’un entretien organisé ce mardi à Paris avec son homologue allemand Thomas de Maizière. L’objet de leur rencontre ? Le problème que pose l’utilisation des messageries privées lorsqu’elles sont utilisées par les terroristes.

Comme ce fut le cas lors de l’attaque de l’église de Saint-Étienne-du-Rouvray, les auteurs d’attentats se sont fait les usagers réguliers de ces messageries instantanées sécurisées, fonctionnant sur le principe du cryptage de bout en bout ; ainsi, chaque message échangé ne peut être intercepté en direct par les services de police et de renseignements ni décrypté dans un second temps.

Les échanges opérés via des applications comme Telegram doivent pouvoir être identifiés et utilisés dans le cadre des procédures judiciaires

— Ministère Intérieur (@Place_Beauvau) 23 août 2016

"Nous proposons que la Commission européenne étudie la possibilité d'un acte législatif rapprochant les droits et les obligations de tous les opérateurs pour les obliger à retirer des contenus illicites ou déchiffrer des messages dans le cadre d'enquêtes, que leur siège soit en Europe ou non", a déclaré le ministre français lors d'une conférence de presse donnée dans la foulée de cette rencontre. 

Toutefois, il a précisé qu'il ne s'agissait "pas là de remettre en cause le principe du chiffrement de certains échanges".

Union nécessaire

Conscient qu’il ne peut se lancer seul en croisade contre les géants de la technologie, incarnés par WhatsApp, Telegram ou Viber, Bernard Cazeneuve a donc choisi de s’allier, pour commencer, à l’Allemagne, frappée à plusieurs reprises cet été par des attaques terroristes. 

"Lancer une initiative européenne destinée à préparer une initiative plus internationale"

Pouvoirs publics et forces de l’ordre allemands se sont eux aussi inquiétés de la difficulté à traquer les potentiels auteurs d’attentats lorsque ces derniers communiquent par le biais de ces applications chiffrées. Le ministre fédéral de l’Intérieur Thomas de Maizière a même annoncé, début août, la création d’une agence de renseignement spécialisée dans les nouvelles technologies, qui devrait être effective dès le début de l’année 2017 et financée à hauteur de 10 millions d'euros par an

Avec cette "alliance", les deux hommes d'État comptent ainsi "lancer une initiative européenne destinée à préparer une initiative plus internationale permettant sur cette question de faire face à ce nouveau défi".

Parmi les axes de réflexion évoqués également lors de cette rencontre franco-allemande, le renforcement des contrôles aux frontières – avec "la mise en place d''ESTA européen', à l'image de ce qui existe aux États-Unis, au Canada ou en Australie" –, et un partage plus efficace "des informations cruciales".

Mise en garde 

Lundi 22 août, dans le quotidien Le Monde, la présidente de la CNIL Isabelle Falque-Pierrotin, le président du Conseil national numérique Mounir Mahjoubi et l'entrepreneur Gilles Babinet ont co-signé une tribune visant à mettre en garde contre l'initiative de M. Cazeneuve. 

Titrée "En s'attaquant au chiffrement contre le terrorisme, on se trompe de cible", celle-ci pointe du doigt le danger de créer des "portes dérobées" dans les systèmes, sous peine de réduire les niveaux de sécurité informatique : "Imaginerait-on construire toutes nos maisons avec un accès police au cas-où un meurtre ou un vol y serait commis ?" La réponse est non. 

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