Donald Trump, le candidat républicain à la Maison Blanche, a une rhétorique pro-Poutine qui étonne et dont le camp démocrate se sert pour le fragiliser. La posture du milliardaire est le reflet de relations nouées en Russie depuis plus de 20 ans.
"Je n’ai AUCUN investissement en Russie". Par ce tweet, publié mardi 26 juillet, Donald Trump tente d’éteindre un feu politique allumé par le camp démocrate le week-end du 23 et 24 juillet. Les alliés d’Hillary Clinton cherchent à dépeindre leur rival républicain comme pro-Poutine, animé par ses intérêts commerciaux en Russie plutôt que par la défense des intérêts nationaux.
La polémique a éclaté peu après la publication par WikiLeaks, le 22 juillet, de 22 000 emails de responsables démocrates. Des messages que des pirates informatiques russes, agissant sur ordre du Kremlin, auraient obtenus. Moscou a été accusé par Robby Mook, le chef de la campagne d'Hillary Clinton, d’avoir cherché à faire le jeu politique de Donald Trump en semant la pagaille dans le camp démocrate. Aux dires de Vladimir Poutine, l'homme d'affaires ferait un président plus accomodant que sa rivale démocrate.
Vingt-cinq ans de voyages en Russie
Le Kremlin a beau avoir démenti toute "ingérence" dans la campagne électorale aux États-Unis, les liens entre l’homme d’affaires reconverti en champion de la droite américaine et la Russie sont de plus en plus passés au crible par les médias américains. L’affaire pourrait être politiquement très dommageable pour les conservateurs qui ont toujours été à la pointe de la critique contre les dérives autoritaires de la Russie, jouant sur le souvenir encore vivace aux États-Unis de la guerre froide.
Donald Trump a cependant raison sur un point : il n’a jamais investi en Russie. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’a jamais essayé. Le magnat américain de l’immobilier mène depuis 25 ans une campagne pour construire une "Trump Tower" à Moscou. Le Washington Post a détaillé ses nombreux voyages effectués en Russie, ponctués par autant d’échecs, pour tenter d’arriver à ses fins.
Donald Trump Jr et son père ont aussi insisté, lors de diverses conférences économiques et de professionnels de l’immobilier, sur le potentiel du marché russe et leur volonté d’y mettre un pied à tout prix.
À défaut de réussir à s’implanter en Russie, le magnat de l’immobilier s’est associé avec des hommes d’affaires russes et kazakhs pour construire l’hôtel de luxe Trump SoHo à New York en 2010. Il n’a pas été très regardant, à cette occasion, sur le passé de l’un deux, Felix H. Sater, un immigré russe impliqué en 1998 dans une vaste affaire d’escroquerie boursière, ce qui avait mis le FBI aux prises avec la mafia russe.
L’armée de conseillers
L’intérêt commercial du candidat républicain pour la Russie s’est accompagné d’une campagne de séduction, qui a amené Donald Trump à multiplier les déclarations pour le moins modérées à l’égard du maître du Kremlin. Petit florilège de flatteries proférées par Donald Trump depuis le début de sa campagne électorale : "Je m’entends bien avec Vladimir Poutine", "il est un homme plus gentil que moi" ou encore "avec moi, la Russie ne cherchera plus à dénigrer les États-Unis".
L’homme fort de Moscou lui a d’ailleurs rendu la pareille. Aux yeux du président russe, le candidat républicain est "un homme flamboyant et talentueux" et serait aussi "un vrai leader".
Donald Trump ne se contente pas d’amabilités. Il s’est aussi entouré d’une armée de conseillers aux liens passés avec la Russie. Son directeur de campagne, Paul Manafort, est un proche de l’élite ukrainienne pro-russe. Il a conseillé à plusieurs reprises l’’ex-président Viktor Ianoukovitch, connu pour être un homme de Vladimir Poutine, et a travaillé avec Rinat Akhmetov, l’homme le plus riche d’Ukraine. Le milliardaire a aussi fait monter à bord de son train de campagne le promoteur immobilier et ami de longue date Howard Lorber, qui a fait des affaires en Russie. En outre, Michael Caputo, un compagnon de route des premières heures politiques de Donald Trump, a lui vécu en Russie au début des années 2000 où il a œuvré à améliorer l’image de la Russie aux États-Unis pour le compte du géant de l’énergie Gazprom.
Des "trolls" russes pro-Trump ?
Cette petite équipe aux fortes accointances russes a eu un impact sur la ligne politique défendue par Donald Trump, d'après les médias américains. L’équipe de campagne du milliardaire a ainsi réussi à modifier une proposition de la plateforme électorale du parti républicain relative à l’Ukraine. La version initiale soutenait qu’il fallait, le cas échéant, fournir des "armes défensives" aux opposants ukrainiens à Moscou. Sur demande pressante des proches de Donald Trump, cette référence a disparu du texte final, remplacée par la notion plus vague "d’aide appropriée". Le candidat républicain a aussi clairement affiché sa méfiance à l’égard de l’Otan, une alliance défensive perçue par Moscou comme hostile à l’égard de la Russie.
C’est cette constance dans l’attitude pro-russe de Donald Trump et de son entourage qui a poussé les démocrates, et certains commentateurs, à se demander si Moscou n’aurait pas actionné le levier cyber pour tenter d’influencer la campagne électorale américaine. Adrian Chen, un journaliste du New York Times qui a réalisé une longue enquête sur les petites mains de la propagande russe sur Internet, a constaté que fin 2015, plusieurs faux comptes Twitter utilisés par des trolls russes (des provocateurs sur Internet) pour faire de la propagande pro-Poutine se sont transformés en comptes... pro-Trump.
Il n’existe certes aucune preuve tangible que le Kremlin tente activement de faire élire le plus pro-russe des deux candidats. Mais une chose est sûre : Donald Trump va dorénavant avoir bien plus de mal à se poser en héritier politique de Ronald Reagan, qui avait construit une partie de sa popularité sur sa posture de dernier héros de la guerre froide. Reste à savoir si cet accroc à l’image politique que l’homme d’affaires travaille à se construire va lui nuire électoralement.
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