L'Allemagne a bouleversé sa définition du viol. Tout acte sexuel commis "contre la volonté identifiable d'une autre personne" sera désormais une infraction pénale, selon un texte adopté jeudi à l'unanimité par le Bundestag.
C’est un grand pas pour les victimes de viol en Allemagne. Berlin a modifié, jeudi 7 juillet, la définition de ce crime sexuel qui correspondait, jusqu'à présent, aux relations obtenues "par la violence ou par une menace portant sur la vie ou l’intégrité corporelle" de la victime. Rien dans l’article 177 du code pénal allemand ne protégeait les victimes ivres, inconscientes ou tétanisées – c'est-à-dire incapables de résistance face à leurs agresseurs.
Fini donc le caractère restrictif de cet article de loi. Désormais, tout acte sexuel commis "contre la volonté identifiable d'une autre personne" sera une infraction pénale. Le consentement devient une notion incontournable dans la loi : dire "non" est suffisant. Le texte a été adopté par le Bundestag à l'unanimité des 601 votants et salué par une ovation debout, face à la chancelière Angela Merkel. Il doit être encore soumis à l'approbation de la chambre haute à l'automne.
La BFF, un mouvement de soutien aux victimes de violences, militait depuis longtemps pour une modification de l’article 177. L’association avait déjà répertorié 107 cas d'agressions sexuelles en 2014 qui avaient échappé aux poursuites. Elle a salué jeudi "l'important changement de paradigme" que représente le vote.
Le débat, on s’en doute, a également été ravivé après les agressions du Nouvel An à Cologne contre des centaines des femmes – qui ont abouti jeudi à deux premières condamnations pour "harcèlement" –, et le procès pour "dénonciation calomnieuse" d'une mannequin qui avait porté plainte pour viol.
"Non, c’est non"
Rien ne rapproche ces deux événements, sinon leur influence directe sur le travail législatif : les violences de Cologne ont dicté plusieurs dispositions du texte alors que l'affaire Gina-Lisa Lohfink a relancé la campagne du "non, c'est non".
En janvier 2016, Gina-Lisa Lohfink, une actrice allemande, avait été condamnée à payer une amende pour "dénonciation calomnieuse" d’un viol alors qu’on l’entend dire "non" dans une vidéo aux avances d’un footballeur et d’un employé d’un club berlinois. La décision du tribunal a suscité une vague de soutien sur les réseaux sociaux, derrière le hashtag #TeamGinaLisa.
Mais hors du Bundestag, la proclamation par la loi du "non, c'est non" est cependant loin de faire l'unanimité et suscite deux types de critiques opposées. Les détracteurs de la loi craignent une multiplication des dénonciations qui ferait de la chambre à coucher un "lieu dangereux", soumis aux revirements de l'un des partenaires, avance l'hebdomadaire Die Zeit.
À l'inverse, du côté des juristes, on redoute que le texte ne crée "des attentes trop élevées" des victimes, sans aboutir à des condamnations plus nombreuses ni changer en profondeur l'appréciation des tribunaux, avertit le quotidien Tagesspiegel.
Avec AFP