logo

Une piste politico-financière relance l’enquête sur l'attentat de Karachi

La responsabilité d'Al-Qaïda dans l'attentat de Karachi en 2002 contre des ressortissants français a été écartée par les enquêteurs. C'est en effet la piste d'une affaire politico-financière qui est désormais privilégiée.

L’attentat de la ville pakistanaise de Karachi, qui avait provoqué la mort de onze Français en 2002, serait finalement lié à une sombre affaire politico-financière plutôt qu’à une action terroriste attribuée à Al-Qaïda.

Cette piste est désormais privilégiée par les deux juges d’instruction antiterroristes, Marc Trévidic et Yves Jannier. L’attentat aurait été exécuté en représailles à l’arrêt de versements de commissions par la France à des militaires et des hommes politiques pakistanais, dont l’actuel président du pays Ali Asif Zardari, dans le cadre de la vente de sous-marins Agosta signée en 1994, pour un montant de 825 millions d’euros.

Les éléments qui ont relancé l’enquête émanent d’un rapport baptisé "Nautilus", récemment saisi par la police lors d'une perquisition au siège de la Direction des constructions navales (DCN), qui employait les victimes de l’attentat.

"Je suis scandalisé parce qu’on nous a laissés croire trop longtemps à la piste farfelue qui menait à Al-Qaïda", déclare à France 24, Olivier Morice, avocat de sept familles de victimes. Selon lui, "les autorités françaises avaient été prévenues des risques encourus par nos compatriotes au Pakistan, après la cessation du paiement des commissions. Ils ne pouvaient ignorer cette piste. C’est grave de l’avoir caché aux parents des victimes".

La présidentielle de 1995 au cœur de l’affaire

Le versement des commissions aurait cessé après l’élection de Jacques Chirac à la présidence de la République, en 1995. Et ce, dans le but de bloquer les retro-commissions qui devaient revenir aux parties françaises de l’affaire, "pour assécher financièrement les réseaux d’Édouard Balladur", qui était Premier ministre lors de la signature du contrat des sous-marins et rival de Chirac lors de la présidentielle de 1995, affirme l'avocat.

Interrogé jeudi sur l’antenne de France 3, M. Balladur a déclaré "qu’il y a eu effectivement des accords qui ont été passés avec le gouvernement pakistanais", affirmant qu’à sa connaissance, "tout était parfaitement régulier".

Ce revirement de l’enquête risque de faire grand bruit, car des personnalités politiques de premier plan vont devoir s’expliquer. "Nous avons franchi une étape en comprenant le mobile de l’attentat. Cela nous permet notamment de demander des explications à M. Balladur, qui s’est dit à la disposition de la Justice. Il faut en profiter pour qu’il soit entendu comme témoin, tout comme il serait utile d’entendre l’ancien président de la République, Jacques Chirac", conclut Olivier Morice.