
Un avocat de Seif al-Islam Kadhafi, le second fils de l'ex-dictateur libyen, a affirmé à France 24 que son client, détenu depuis 2011 par une milice de Zintan, a été libéré. Mais les informations des différentes parties divergent.
La confusion règne autour de la libération de Seïf al-Islam Kadhafi. Détenu depuis près de cinq ans par une milice de Zintan, ville côtière de l'ouest de la Libye, le fils du défunt dictateur libyen Mouammar Kadhafi, a été libéré, a annoncé dans un entretien exclusif à France 24, le 6 juillet, l'un de ses avocats, Me Karim Khan.
Seïf al-Islam aurait bénéficié d'une loi d'amnistie générale décrétée par le Parlement de Tobrouk "conformément à la loi libyenne". Mais les conditions et la confirmation de cette libération restent floues. Selon un responsable de la milice de Zintan contacté par RFI, Seïf al-Islam aurait été livré aux autorités de Tobrouk. Un avocat proche de la famille Kadhafi assure, quant à lui, qu'il se trouverait toujours à Zintan, mais en résidence surveillée. Une autre source de Zintan, contactée par France 24, affirme également que Seïf al-Islam n'aurait pas été "physiquement libéré" et qu'il se trouverait toujours à Zintan.
Pour l'heure, Me Khan n'a pas souhaité donner de détails sur ses prises de contact avec Seïf al-Islam Kadhafi, mais il a précisé que son client allait bien et qu'il était en sécurité sur le territoire libyen.
Un pays divisé
L'incertitude autour de cette libération est notamment liée à la fracture du pays, partagé depuis 2014 entre deux gouvernements – l’un installé à Tripoli, l’autre à Tobrouk, dans l'est du pays – qui ont chacun leur système judiciaire. Malgré la formation d'un gouvernement d'union nationale (GNA) à Tripoli, le 30 mars dernier, la division perdure et le GNA peine à asseoir son autorité sur l'ensemble du territoire.
Jugé avec trente-sept autres figures du régime par un tribunal de Tripoli, Seïf al-Islam avait été condamné à mort le 28 juillet 2015 pour son rôle dans la répression meurtrière de la révolte ayant mis fin à l'ancien régime en 2011. Mais la peine n’a pas été exécutée. Et pour cause : ce dernier a été arrêté en novembre 2011 par une milice opposée au gouvernement de Tripoli alors qu'il essayait de fuir la Libye après l'exécution de son père.
Depuis, celui qui avait promis aux rebelles "des rivières de sang" est détenu à Zintan, à environ 180 kilomètres au sud-ouest de la capitale. La milice dirigée par le colonel Ajmi al-Atiri, qui le détenait en dehors de tout cadre légal, a toujours refusé de le remettre à la justice de Tripoli. Lors de l'ouverture de son procès dans la capitale, en avril 2014, Seïf al-Islam avait d'ailleurs comparu par visioconférence depuis le tribunal de Zintan.
Demande d'aministie contestée
En juillet 2015, alors que Seif al-Islam était condamné à Tripoli, le Parlement de Tobrouk, reconnu par la communauté internationale, votait une loi d’amnistie générale en faveur de tous les Libyens impliqués dans la crise de 2011. Elle s’appliquait donc aussi à la famille Kadhafi, comme l'avait d'ailleurs assuré un avocat de Seïf al-Islam Kadhafi, lors d’une conférence de presse à La Haye.
C'est au nom de cette amnistie générale que le ministre de la Justice du gouvernement de Tobrouk avait ensuite rédigé, en avril 2016, une lettre demandant la relaxe de Seïf al-Islam. Mais depuis la mort de ce ministre, survenue en juin, l'authenticité de cette lettre est contestée.
Le porte-parole du Parlement de Tobrouk, Fathi al-Maryami, qui n'a ni confirmé ni infirmé la libération de Seïf al-Islam, a estimé sur RFI que "rien n’est officiel pour le moment". Mais il confirme tout de même que le prévenu est bien concerné par l’amnistie générale. Il est donc libérable.
Un grain de sable entre la CPI et la Libye
La libération de détenus fait théoriquement partie des gestes qui pourraient favoriser la réunification de la Libye. Mais elle ne soustrait pas pour autant Seïf al-Islam Kadhafi à la justice internationale. Ce dernier est poursuivi depuis juin 2011 par la Cour pénale internationale (CPI) pour "crimes contre l’humanité", notamment pour l’enrôlement de mercenaires et son rôle dans la planification de la répression dès février 2011.
C’est le Conseil de sécurité des Nations unies qui avait saisi la CPI en février 2011. Quatre mois plus tard, elle émettait trois mandats d’arrêt contre Mouammar Kadhafi, son fils Seïf et Abdallah Senoussi, longtemps chef des renseignements militaires du régime. Les poursuites contre le "guide" libyen se sont éteintes après sa mort, en octobre 2011. En 2013, la CPI s’est dessaisie du cas d’Abdallah Senoussi en faveur de la justice libyenne. Mais elle a toujours refusé de transférer le dossier de Seïf Al-Islam Kadhafi. Le cas empoisonne donc les relations entre la CPI et la Libye depuis cinq ans.
La CPI réclame le transfèrement du fils Kadhafi depuis 2011, ce qu'a toujours refusé la justice libyenne estimant être juridiquement compétente pour juger cette affaire. En outre, le prévenu n'était pas entre les mains des autorités libyennes de Tripoli mais entre celles des milices de Zintan. Les juges attendent donc toujours le feu vert des autorités libyennes. Maître Karim Khan a, de son côté, déclaré à France 24 qu'il allait soumettre une demande auprès de la CPI pour suspendre toute poursuite à l'encontre de son client.