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Après le Brexit, les villes de Paris et de Londres veulent renforcer leur coopération

Trois jours après le vote du Royaume-Uni en faveur de la sortie de l’UE, les maires de Paris et de Londres, Anne Hidalgo et Sadiq Khan, signent une tribune commune pour que les deux capitales "travaillent ensemble, plus étroitement que jamais".

"Londres et Paris. Il y a tant qui unit nos grandes villes. Une histoire partagée, une culture partagée, des défis partagés et l’expérience partagée de compter parmi les quelques villes vraiment globale". Pour répondre au Brexit, Anne Hidalgo et Sadiq Khan, maires de Paris et de Londres, lancent un appel au rapprochement entre les deux capitales.

"Malgré les résultats du référendum sur l’Union européenne, nos deux villes doivent travailler ensemble plus étroitement que jamais, afin de concrétiser nos agendas partagés", plaident la socialiste et le travailliste dans une tribune publiée lundi 27 juin par les quotidiens Le Parisien et Financial Times.

La maire de Paris avait lancé l’initiative du rapprochement auprès de celui qu’elle appelle "son ami" avant même d’attendre les résultats du référendum et elle a été accueillie favorablement par son homologue londonien. Les deux édiles, qui s’étaient déjà rencontré en mai dernier, ont beaucoup en commun.

Échange d’intelligence et de bonnes pratiques

"Le programme de Sadiq Khan correspond à celui de Anne Hidalgo et le nouveau maire de Londres fait tout le contraire de ce que faisait son prédécesseur Boris Johnson, qui surjouait la compétition avec Paris : l’ère de celui qui invitait les entreprises françaises à s’installer à Londres pour échapper aux taxes est dépassée", assure à France 24 Patrick Klugman, adjoint à la maire de Paris en charge des relations internationales. Il fait référence au “Vous êtes tous les bienvenus !”, lancé en 2012 par l’ancien maire de Londres aux entrepreneurs français, éventuels candidats à un exil fiscal dans la capitale britannique.

Plus concrètement, cette collaboration prendra la forme "d’échange d’intelligence et de bonnes pratiques", développe Patrick Klugman, "car au-delà du Brexit, Paris et Londres font face au même défis".

Ces consultations concerneront trois domaines principaux : la construction de logements sociaux et la mise en place de projets innovants ; les transports et la réduction des diesels et véhicules polluants ; et enfin la lutte contre les grandes plateformes de services telles qu’Uber ou Airbnb. "Ces nouveaux services sont certes des opportunités, mais il faut veiller à ce qu’ils ne soient pas un déstabilisateur de l’économie. Si les villes coopèrent face à ces multinationales, elles reprennent du pouvoir", assure Patrick Klugman.

L’exception londonienne

Sur le Brexit, les deux édiles, qui ont notamment en commun d’être tous deux issus de l’immigration - Anne Hidalgo est la fille d’immigrés espagnols et Sadiq Khan le fils d'un chauffeur d'autobus pakistanais – étaient, bien sûr, sur la même longueur d’ondes.

Sadiq Kahn a fait activement campagne pour le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne. Et ceux qui l’ont élu l’ont entendu. Dans la sociologie du vote, Londres fait figure d’exception : si l'Angleterre et le pays de Galles se sont principalement prononcés pour le Brexit, à respectivement 53,4 % et 52,5 %, 60 % des électeurs de la région londonienne ont voté en faveur du "remain". Sur internet, plus de 175 000 personnes ont par ailleurs signé une pétition pour réclamer que la capitale britannique obtienne son indépendance et reste dans l'Union européenne.

À l’issue du vote, Sadiq Khan a aussitôt adressé un "message aux Européens vivant à Londres" pour leur rappeler qu'ils sont "les bienvenus". "Nous apprécions l'énorme contribution que vous apportez à notre ville et cela ne changera pas à la suite de ce référendum", a-t-il insisté.


"Il faut arrêter de se comporter comme des villageois agressifs"

Les deux villes n’ont pourtant pas toujours été aussi "fair play". Capitales politiques, économiques, technologiques et universitaires, Paris et Londres se tirent régulièrement la bourre pour attirer investisseurs et multinationales. Dans le secteur du tourisme, la concurrence entre les deux métropoles est acharnée et la guerre ouverte qu’elles se sont livrées pour les JO 2012, finalement remportés par Londres, a marqué les esprits.

Mais en réponse au Brexit, Paris et Londres préfèrent jouer la carte de la collaboration. Sans négliger les possibles retombées pour la capitale française - les investisseurs et firmes internationales pourraient être tentés de faire fructifier leur portefeuille à Paris plutôt qu’à Londres - Anne Hidalgo a choisi de ne pas rentrer dans une concurrence sauvage. Dans son plaidoyer en faveur des "villes mondes", "contrepoids puissant face à la léthargie des États-nations et à l'influence des lobbys", la maire de Paris prend d’ailleurs le contre-pied de Valérie Pécresse. La présidente (les Républicains) de la région Ile-de-France a ouvert les hostilités dès vendredi, estimant "la bataille des métropoles (…) lancée". Sur LCI, cette dernière s’est dite "prête à accueillir" les entreprises souhaitant rester dans l'UE et à devenir "le nouveau Londres".

Une stratégie dépassée, selon Patrick Klugman. "Nous sommes très à l’aise avec l’idée de compétition : Paris est devant pour les start-up et la création d’entreprises et Londres est incontestablement une place financière plus forte", résume-t-il. "Mais surjouer la concurrence est une erreur. Il faut arrêter de se comporter comme des villageois agressifs. Vu de l’étranger, Londres et Paris sont déjà une mégalopole commune et travailler ensemble peut être une manière intelligente de jouer la mondialisation."