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Une fois hors d'usage, les objets spatiaux ont un lieu dédié pour venir s'écraser sur Terre : un "cimetière" situé au milieu de l'océan Pacifique, loin de tout territoire ou présence humaine, où gisent plus de 250 engins.
Glacial, terriblement isolé du reste du monde et si profond qu’aucune lumière n’y entre ni en sort. Le lieu où les objets spatiaux viennent finir leurs jours a comme un goût de déjà-vu galactique pour ces satellites et vaisseaux ayant été en orbite pendant des années.
Quelque part dans les profondeurs de l’océan Pacifique, le "cimetière des objets spatiaux" compte déjà plus de 260 résidents. C’est là, à 1 500 kilomètres au nord de l’Antarctique et 2 500 kilomètres à l'est des côtes de la Nouvelle-Zélande, que la plupart des objets spatiaux en fin de vie sont programmés pour s’écraser et couler à plus de quatre kilomètres de profondeur.
Cet endroit isolé du monde correspond à un "pôle d'inaccessibilité" – aussi appelé "point Nemo", en référence au capitaine du roman de Jules Vernes –, une zone océanique éloignée de toute terre émergée.
De Skylab à la station spatiale Mir, c’est dans cette vaste zone que les ex-stars de l’espace viennent briller une dernière fois.
Le plus vaste cimetière du monde
Dans le cimetière des objets spatiaux, même les vaisseaux les plus célèbres n’ont pas le droit à une tombe en bonne et due forme, pour la simple et bonne raison qu’ils parviennent sur Terre en milliers de morceaux.
Dans une conférence sur le sujet en 2013, Holger Krag, chef du département en charge des débris spatiaux de l’Agence spatiale européenne, a expliqué qu’il s’agit plutôt d’une "vaste zone que d’un point d’atterrissage précis". "C'est une zone ciblée dans le sud du pacifique", confirme t-il dans un enregistrement sonore de l'événement.
Each line is an individual satellite or space debris and the dates in which they fell to the Spacecraft Graveyard pic.twitter.com/Ys2kcuVdAc
— AstronomyClubSA (@astronomyclubsa) 15 juin 2016
"La cible est bien sûr précise mais les objets spatiaux se cassent en fragments en entrant dans l’atmosphère. C’est pourquoi nous devons prévoir un périmètre large pour faire en sorte que tous les fragments tombent dans une zone dédiée", explique Holger Krag.
Pour preuve, seulement 25 des 142 tonnes de la station spatiale russe Mir, sont finalement tombées dans l’océan Pacifique, après avoir explosées en vol. La "star" russe avait servi plus de 15 ans dans l’espace avant d’être volontairement désorbitée et de rejoindre les profondeurs du Pacifique en 2001.
Les Russes sont d’ailleurs les principaux occupants des lieux avec plus de 190 objets crashés, contre 52 américains, huit européens et six japonais.
Les agences spatiales sont libres d’utiliser la zone, précise Holger Krag. Mais le cimetière des objets spatiaux a beau être au milieu de l’océan Pacifique, un "atterrissage" de véhicules spatiaux n’est pas sans risque.
C’est pourquoi le secteur est sous la responsabilité commune des autorités maritimes et aériennes chiliennes et néo-zélandaises qui sont informées quelques jours avant qu’un objet soit désorbité et chargées de conseiller aux pilotes et marins d’éviter le périmètre, aussi large soit-il.
Un lieu dédié, et pourtant, des ratés
Après 60 ans d’activité spatiale, il y aurait plus de 29 000 objets plus grands de 20 cm en orbite autour de la Terre. Et autant susceptibles de nous tomber sur la tête un beau matin.
Car si certains satellites, stations spatiales et autres vaisseaux sont bien utiles, la plupart des objets spatiaux sont hors d’usage (et hors d'âge), et viennent gonfler les rangs d’une gigantesque déchetterie spatiale qui tourne autour de la Terre. Des poubelles volantes chaque jour un peu plus attirées vers la Terre, à cause de son attraction gravitationnelle, et potentiellement hors de contrôle.
Depuis une vingtaine d’années, les agences spatiales se sont mises d’accord pour réduire le nombre de déchets spatiaux, soit en attachant un module qui les ramènent sur Terre de façon contrôlée, soit en les détournant de leur orbite pour qu’ils les perdre à jamais dans la galaxie.
Ceux qui seront ramenés sur Terre ont de bonnes chances de finir dans le cimetière du pacifique, mais certains n’attendent pas les instructions des scientifiques et s’échouent de façon prématurée et incontrôlée sur le globe. Si la plupart sont réduits en poussière en pénétrant l'atmopshère, les plus gros reviennent parfois sur notre planète en grosses pièces.
Falling from the sky, an @AirbusDS article on #SpaceDebris https://t.co/HtPIxzc8qH #cleanspace pic.twitter.com/b0R0N6yS7n
— ESA Clean Space (@ESAcleanspace) 6 juin 2016
Pas plus tard qu’en novembre 2015, un fermier espagnol s’est ainsi réveillé avec une étrange sphère métallique d’un mètre de diamètre dans son jardin. Et son cas est loin d’être isolé.
Pour ces quelques restes métalliques aventureux, une place au musée est souvent de mise. Mais pour les autres qui croupissent dans l’océan Pacifique, la rouille aura sûrement raison de leur flamboyance.
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