
Selon Washington, le nombre de jihadistes étrangers entrant en Irak et en Syrie pour rejoindre l’EI est en très forte baisse. Une tendance confirmée par les experts, qui l'expliquent notamment par un meilleur contrôle de la frontière turque.
À en croire l’armée américaine, le nombre de jihadistes étrangers entrant en Irak et en Syrie pour rejoindre l'organisation État islamique (EI) est en très forte diminution. Un général américain a affirmé, mardi 26 avril, que ce chiffre était tombé à environ "200 jihadistes par mois", contre 1 500 à 2 000 jihadistes mensuels, il y a à peine un an.
Pour expliquer cette forte baisse, le général Peter Gersten, chargé du renseignement au sein de la coalition internationale de lutte contre l'EI, a mis en avant l’efficacité des frappes qui ont réussi à tarir les ressources financières du groupe d’Abou Bakr al-Baghdadi. Il a précisé que les raids, qui ont visé les caches d'argent liquide de l'EI, l’ont notamment privé d’environ 800 millions de dollars.
"Nous constatons une rupture de leur moral, nous constatons leur incapacité à payer, nous voyons leur incapacité à combattre", a-t-il déclaré lors d’un point presse.
Outre les réserves d'argent de l'EI, la coalition internationale a également ciblé les camions citernes et les puits de pétrole aux mains des jihadistes, diminuant davantage leur puissance de frappe financière.
Le contrôle de la frontière turque, un élément décisif
Sans mettre en doute la crédibilité des chiffres avancés par les Américains, certains experts voient surtout une autre raison pouvant expliquer le recul du nombre de recrues étrangères dans les rangs jihadistes en Irak et en Syrie.
"Il est impossible de vérifier ces chiffres, mais toujours est-il que le renforcement significatif du contrôle à la frontière turque, qui était un des principaux passages pour les jihadistes désireux de rejoindre l’EI [la Turquie a longtemps été accusée de laxisme à l’égard des jihadistes par les Occidentaux , avant qu'elle ne renforce sa politique de contrôle aux frontières, NDLR], a permis de réduire sensiblement le nombre de recrues étrangères de ce groupe et des autres mouvements jihadistes en Syrie et en Irak", explique Wassim Nasr, journaliste spécialiste des mouvances jihadistes au sein de la rédaction de France 24. Il tient à préciser toutefois que la grande majorité des membres de l’EI reste actuellement constituée de Syriens et d’Irakiens.
Yves Trotignon, ex-agent de la DGSE et consultant spécialiste du terrorisme, partage le même constat. "À quoi bon prendre le risque d’entamer un périple vers la Turquie, au risque de se faire prendre avant d’arriver sur le champ de bataille et de ne pas mourir en martyr au combat", souligne-t-il.
Si l'expert ne peut ni confirmer ni infirmer les chiffres avancés par le général américain, ils lui "paraissent crédibles, tant la pression militaire s’est accentuée sur les jihadistes ces deux dernières années, et que la campagne aérienne et les combats au sol contre les Kurdes et les forces irakiennes semblent avoir produit des effets dissuasifs sur certains candidats au jihad", précise-t-il à France 24.
La Libye, le plan B des jihadistes
Mais alors, que deviennent ces candidats au jihad en Syrie et en Irak s’ils sont empêchés de se rendre sur place ? "C’est une question capitale car ils disposent de plusieurs options dont celles de se rendre en Libye, nouvel eldorado des jihadistes, ou alors, et c’est le pire scénario possible, de rester dans leur pays d’origine afin d’y mener des actions terroristes", explique Yves Trotignon.
De son côté, Wassim Nasr, auteur du livre "État islamique, le fait accompli" aux éditions Plon, confirme la piste libyenne. "La Libye est une piste sérieuse pour les candidats qui ne parviennent pas à se rendre en Syrie ou en Irak. Je pense notamment aux Tunisiens, qui, alors qu’ils constituaient un des plus importants contingents de jihadistes étrangers en Syrie, préfèrent désormais se rendre en Libye, plutôt que de risquer un voyage incertain."