Le directeur du service allemand de renseignements (BND), Gerhard Schindler, a été remercié par le gouvernement d'Angela Merkel. Un limogeage surprise qui illustre les difficultés récentes des espions allemands.
Coup de tonnerre dans le monde du renseignement allemand. Le patron des espions outre-Rhin, Gerhard Schindler, a été prié de prendre la porte, mercredi 27 avril. Il doit être remplacé dès le 1er juillet à la tête du BND (Bundesnachrichtendienst, le service fédéral de renseignement) par Bruno Kahl, un proche du très influent ministre des Finances Wolfgang Schäuble.
Cette mise à la retraite du chef actuel du contre-espionnage, à seulement deux ans de la fin de son mandat, a surpris en Allemagne, où le bilan de Gerhard Schindler est considéré comme "globalement bon", rappelle la Süddeutsche Zeitung.
Depuis l’annonce, les spéculations vont bon train quant aux raisons de ce changement. Le gouvernement n'a donné aucune raison à cette mise à l'écart et n'est soumis à aucune obligation légale de la justifier. Gerhard Schindler aurait, pour les uns, été la victime d'une guerre politique entre Wolfgang Schäuble et les sociaux-démocrates au gouvernement, plutôt favorables à son maintien en poste. D'autres ont évoqué des problèmes de santé qui auraient accéléré la décision de trouver un nouveau patron du renseignement allemand.
Le scandale Bad Aibling
Tous s'accordent cependant à dire que les suites du scandale des écoutes de la NSA ont joué un rôle plus ou moins important dans ce remaniement. Dès les premiers mois de cette affaire, à l’été 2013, Berlin a compté parmi les détracteurs les plus virulents de l’espionnage à l’échelle industrielle de l’agence américaine.
Une position qui a valu un important capital sympathie à la chancelière Angela Merkel… jusqu'au scandale Bad Aibling qui a éclaté en avril 2015, du nom d’une petite bourgade bavaroise qui abrite une station d’écoute du BND. Le renseignement allemand utilisait ce site pour espionner les télécommunications de hauts responsables politiques européens, y compris en France, pour le compte de la NSA.
Gerhard Schindler s'est retrouvé au cœur de la polémique, accusé d'avoir dissimulé à tous, y compris au gouvernement, cette coopération avec les très décriés cyberespions américains. La chancelière semblait à l'époque prête à sacrifier le chef du renseignement. Elle avait pointé du doigt des "déficits importants, tant au niveau technique que de l'organisation" au sein de l'agence.
Mais le patron du BND avait pu alors sauver sa peau car le scandale était… bien plus important. Le gouvernement était, en réalité, bien au courant des ces petits arrangements entre amis espions, ont pu démontrer à l’automne 2015 des médias allemands. Pas facile dans ces conditions de faire porter le chapeau à Gerhard Schindler seul.
Le faux pas avec l'Arabie saoudite
Les services allemands du renseignement ont, cependant, commis un autre faux pas fin 2015. Un rapport très critique du BND à l'égard de l'Arabie saoudite s'est retrouvé dans les médias fin novembre, au grand dam de la diplomatie allemande. Riyad s'est officiellement plaint des conclusions des espions allemands, qui déploraient le virage "interventionniste" du royaume wahhabite, notamment au Yémen. Mohammed ben Salmane, le très influent fils du roi et à l’époque ministre de la Défense, y était pointé du doigt comme cherchant déjà à assurer la succession de son père à son profit.
Berlin s'était empressé de désavouer son service de renseignement pour réaffirmer l'importance que l'Allemagne attache à sa relation avec l'Arabie saoudite.
Ces deux incidents ont donné l’impression, outre-Rhin, que le BND avait besoin d'un "nouveau départ", souligne le quotidien conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung. Le limogeage de Gerhard Schindler en serait la première étape.