Maître Bourdon, l'avocat de Florence Hartmann, l’ex porte-parole du procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie arrêtée jeudi, dénonce un "règlement de compte". Sa cliente est actuellement détenue dans la prison de Scheveningen.
Elle était venue écouter le jugement du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) contre l'ancien chef politique des Serbes de Bosnie Radovan Karadzic. Elle a quitté le TPIY en tant que détenue. Florence Hartmann, l’ancienne porte-parole du procureur du TPIY et ancienne correspondante du Monde dans les Balkans, a été arrêtée jeudi 24 mars par les gardes du tribunal de La Haye. Elle est actuellement incarcérée dans la prison de Scheveningen, le lieu d’incarcération des criminels de guerre - avec notamment pour voisins l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo et les Serbes Radovan Karadzic et Ratko Mladic.
Mardi, La Haye a refusé d'alléger ses conditions de détention. "J'ai demandé que le public soit informé de ce qu'ils font à Florence", a déclaré à l'AFP Me Guénaël Mettraux, l'un de ses avocats. Placée en isolement, elle serait enfermée dans une cellule "contrôlée toutes les 15 minutes pour vérifier qu’elle ne s’est pas suicidée et dont la lumière est allumée 24h/24h", selon Sophie Kepes, écrivain et responsable de son comité de soutien.
"Choquée mais combattive"
Selon Me Bourdon, un de ses avocats contacté par France 24, "Florence est choquée, mais aussi combattive". "Beaucoup de gens l’attendent à Paris, et elle a reçu de nombreux soutiens".
Porte-parole du procureur général du TPIY Carla Del Ponte de 2000 à 2006, Florence Hartmann avait été condamnée en 2009 pour outrage à la cour. Son tort ? Avoir publié en 2007, dans un livre "Paix et Châtiment", deux décisions confidentielles rendues par la cour d'appel du TPIY dans le cadre du procès de Slobodan Milosevic, l'ancien président serbe. Selon elle, le tribunal avait maintenu sous le sceau du secret des documents qui auraient prouvé l’implication de Belgrade dans le génocide de Srebrenica en 1995, où plus de 8 000 Bosniaques avaient été tués.
La Française avait alors été condamnée à payer une amende 7 000 euros, mais avait refusé de s’acquitter de cette somme. Deux ans plus tard, l’ancienne correspondante du Monde avait finalement vu sa peine commuée en 7 jours de prison.
"Elle a sans douté irrité quelques magistrats"
Et depuis, plus rien. Les juges avaient pourtant demandé aux autorités françaises d'arrêter et de transférer l'ancienne journaliste à La Haye, mais Paris avait refusé. Et Florence Hartmann avait continué à voyager aux Pays-Bas. "C’est vrai qu’elle est venue plusieurs fois au Tribunal de La Haye sans être inquiétée", confirme Me William Bourdon.
Alors pourquoi a-t-elle été arrêtée maintenant ? "Je n’en sais rien, confesse ce dernier. Elle a sans doute irrité quelques magistrats avec son livre. Tout ceci ressemble à une sorte de règlement de compte. Certains n’ont pas dû aimer son aplomb et son refus de payer l’amende".
D’autres dénoncent un "acharnement" de la juridiction de La Haye. Dans une lettre ouverte publiée dans la revue Esprit, une centaine de signataires - organisations de défense des droits de l'Homme, militants et journalistes de l'ex-Yougoslavie - ont en effet exprimé leur soutien à Florence Hartmann. Une pétition a également été lancée. "[Le jeudi 24 mars] est un jour de honte pour la justice pénale internationale", peut-on encore lire dans leur communiqué.
Si elle effectue sa peine de sept jours dans sa totalité, Florence Hartmann devrait sortir de cellule le 31 mars.
Avec AFP