Pour la première fois depuis le début des années 1980, un monde en croissance réussit depuis deux ans à stabiliser ses émissions de CO2. Une bonne nouvelle pour la planète, qui ne constitue qu’un petit bout du chemin à parcourir.
Deux années de suite, ce n’est plus un hasard. Les émissions de CO2 n’ont pas augmenté en 2015, confirmant un constat déjà effectué l’année précédente, a annoncé l’Agence internationale de l'énergie (IEA) mardi 16 mars.
Le monde a relâché 32,1 milliards de tonnes de dioxyde de carbone dans l’atmosphère l’an passé, soit autant qu’en 2013. "En 2014, la stagnation des émissions pouvaient s’expliquer par un contexte climatique spécial car l’hiver avait été particulièrement doux dans un grand nombre de pays ce qui avait réduit la consommation d’énergie”, rappelle François-Marie Bréon, chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement du CNRS.
Mais cette explication ne fonctionne pas deux années d’affilée. Il y a un début de tendance qui intervient "plus vite que prévu", reconnaît le spécialiste du CNRS. Quatre mois seulement après la fin de la COP21 - le sommet parisien sur le climat - cette annonce sonne comme une bonne surprise. "Les engagements de réduction d’émission pris par les pays participant à la conférence sur le climat avaient été considérés comme insuffisants pour stabiliser ou baisser le niveau des émissions avant 2030", note en effet François-Marie Bréon.
Merci à la Chine et aux États-Unis
Que s’est-il donc passé ? D’abord, l’hypothèse de chiffres qui ne seraient pas entièrement fiables ne peut être écartée. Les conclusions de l’IEA se basent sur les données fournies par les États, qui peuvent être tentés de repeindre en vert leurs progrès en la matière.
Mais des facteurs objectifs expliquent aussi ce tassement des émissions de dioxyde de carbone. La Chine a accentué ses investissements dans les énergies renouvelables et les États-Unis profitent du très faible prix actuel du gaz pour ne plus dépendre autant du charbon. Conséquence : les émissions de ces deux pays ont baissé en 2015.
Quand les deux plus grands pollueurs font des efforts, c’est le monde entier qui respire mieux. La Russie leur a aussi prêté main forte en émettant moins de gaz carbonique, essentiellement parce qu’elle ne se porte pas très bien économiquement : ses industries polluantes tournent donc au ralenti.
Croissance économique sans hausse des émissions
L’IEA souligne par ailleurs que c’est la première fois dans l’histoire de ces relevés qu’une stagnation des émissions intervient alors que l’économie mondiale est en expansion. "Les trois autres épisodes de pause des rejets de CO2 - au début des années 1980, en 1992 et en 2009 - sont associés à des périodes de faiblesse économique", rappellent les experts de l’IEA dans un communiqué de presse.
"On commence à voir un découplage entre économie et émissions de dioxyde de carbone, ce qui signifie qu’on peut envisager une ère de croissance du PIB avec une stagnation des émissions", analyse François-Marie Bréon. La tendance jusqu’à présent était, en effet, que l’augmentation du PIB entraînait, par un accroissement de l’activité économique, une pollution atmosphérique toujours plus forte.
Mais le coup d’arrêt à la hausse des émissions de CO2 ne change, pour l'instant, pas la donne climatique. La concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère n’a en effet jamais été aussi importante qu’en 2015. Comment est-ce possible ? Les niveaux de dioxyde de carbone émis demeurent très importants même s’ils stagnent et ce polluant s’accumule de plus en plus dans l'atmosphère à un rythme toujours plus élevé.
"Le plus dur reste à faire"
En effet, "les océans et la végétation, qui captent une partie des émissions, en ont récupéré une part moins importante que les années précédentes", souligne François-Marie Bréon. En clair, à cause de la pollution des mers et de la déforestation, ces deux aspirateurs à CO2 sont moins efficaces qu’auparavant.
La stabilisation des émissions n’en demeure pas moins une bonne nouvelle pour l’environnement. Mais ce n’est que la première étape. "Le plus dur reste à faire", assure le chercheur français. Il convient dorénavant de faire baisser le volume de dioxyde de carbone émis, ce qui implique, d’après lui, des efforts à court terme bien plus conséquents que le développement des énergies renouvelables.
"Il faut changer des comportements auxquels on s’étaient habitués", martèle François-Marie Bréon. Le recours au chauffage au moindre coup de froid ou l’habitude de monter dans sa voiture pour tous les déplacements risquent d'être remis en cause.