Angela Merkel a assuré avoir obtenu “une percée” lors du sommet entre les chefs d’État européens et la Turquie sur la question des réfugiés. Mais en Allemagne, l’optimisme de la chancelière est loin d’être partagé.
C’était “l’un des sommets les plus importants de la carrière d’Angela Merkel”. Pour l’hebdomadaire “Spiegel”, comme pour la majorité des médias allemands, la chancelière jouait le bilan politique de son mandat lors des négociations, lundi 7 mars, avec le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu sur la question des réfugiés et migrants. Ankara a, à cette occasion, proposé un plan qui prévoit le retour en Turquie des migrants arrivés illégalement en Grèce.
Angela Merkel jouait gros : elle est, en effet, inquiétée sur sa droite en Allemagne par la percée électorale du parti Alternative für Deutschland (AfD), qui a fait de la critique de la politique d'accueil son fond de commerce. La chancelière semble, en outre, très isolée sur la scène européenne avec son appel à une solution commune à la crise migratoire. Elle devait donc se “montrer ferme avec la Turquie” et prouver que sa voix continue à faire loi à Bruxelles, résume le quotidien économique “Wirtschafts Woche”
“Otage de la Turquie”
Pour Angela Merkel, le plan turc est un succès. “C’est une percée”, s’est félicitée la dirigeante allemande. Les commentateurs allemands sont moins optimistes : les contreparties exigées par Ahmet Davutoglu sont très importantes et les accepter revient à “faire de l’Europe l’otage de la Turquie”, résume “Wirtschafts Woche”. Les chefs d’État européens se sont donnés dix jours pour trancher sur le plan proposé par Ankara.
Pour “Die Linke” - la gauche de la gauche allemande - la Turquie ferait “chanter l’Union européenne”. Ankara joue sur la faiblesse d’Angela Merkel, qui a besoin de tout ce qui peut se rapprocher d’une victoire diplomatique puisqu’elle a “tout misé sur la Turquie [pour résoudre la crise actuelle, NDLR] ce qui se révèle être une erreur”, affirme le quotidien autrichien “Der Standart”.
“Limite de la realpolitik”
Ce demi-succès de la chancelière souligne aussi les “limites de la realpolitik” dans ce dossier, affirme le quotidien “Tagesspiegel”. Pour se débarrasser d’un problème - la pression migratoire jugée trop forte -, le gouvernement allemand est-il prêt à avaler toutes les couleuvres turques dont le fait de fermer les yeux sur la question de la liberté de la presse ou des droits de l’Homme, se demande le journal ?
Reste que la chancelière n’avait pas beaucoup de choix, juge de son côté le tabloïd “Stern”. Les autres partenaires européens n’ont pas été d’un grand secours dans ce dossier. Pour le journal populaire, l’absence de solidarité européenne a poussé Angela Merkel “à s’agenouiller” devant le chef d’État turque Recep Tayyip Erdogan pour obtenir “un début de solution”.