Dominique de Villepin, Michèle Alliot-Marie et Michel Barnier pourraient être renvoyés devant la Cour de justice de la République. Ils sont soupçonnés d'avoir laissé fuir les pilotes responsables du bombardement de Bouaké, en Côte d'Ivoire, en 2004.
Une juge d'instruction a sollicité le renvoi devant la Cour de justice de la République (CJR) de trois anciens ministres de Jacques Chirac dans le dossier du bombardement de Bouaké, en Côte d'Ivoire, qui a coûté la vie à neuf soldats français en 2004, a-t-on appris, mardi 23 février, de source judiciaire.
Dans le collimateur de la magistrate Sabine Kheris : Dominique de Villepin, Michèle Alliot-Marie et Michel Barnier, respectivement ministres de l'Intérieur, de la Défense et des Affaires étrangères au moment des faits.
La juge, qui a transmis son ordonnance au parquet, soupçonne les trois anciens ministres d'avoir sciemment laissé fuir les pilotes biélorusses aux commandes des avions responsables du massacre. "Il est apparu tout au long du dossier que tout avait été orchestré afin qu'il ne soit pas possible d'arrêter, d'interroger ou de juger les auteurs biélorusses du bombardement", conclut la magistrate, selon des extraits publiés par Mediapart.
Risque de trois ans d'emprisonnement
Les trois anciens membres du gouvernement de Jacques Chirac auraient pris cette décision après "concertation à un haut niveau de l'État", ajoute le site d'information. Ils encourent, chacun, trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende.
La Cour de justice de la République est la juridiction compétente pour juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leur fonction. Si le parquet de Paris suivait l'analyse de Sabine Kheris, la juge pourrait saisir – via le parquet – la commission des requêtes de la CJR, qui filtre les plaintes individuelles ou les demandes judiciaires mettant en cause les membres du gouvernement.
Le bombardement de Bouaké était intervenu le 6 novembre 2004, alors que l'armée de Laurent Gbagbo, à l'époque président de la Côte d'Ivoire, pilonnait les positions de la rébellion installée dans le nord du pays. Deux avions Soukhoï avaient pris pour cible le lycée Descartes de Bouaké où les troupes françaises de l'opération Licorne avaient installé leur base. Neuf soldats français avaient été tués.
Le mystère du commanditaire
L'armée française avait riposté en détruisant la flotte ivoirienne et en accusant Gbagbo d'être responsable de l'attaque. Mais 11 ans après les faits, des doutes et des zones d'ombre persistent. L'ancien président ivoirien est-il vraiment le commanditaire du bombardement ?
Dans son livre "Pour la justice et la vérité" (2014), Laurent Gbagbo a ouvertement accusé Paris d'avoir commandité l'attaque de Bouaké afin de trouver un prétexte pour le renverser. L’ancien président soutient la thèse selon laquelle Paris voulait l'évincer du pouvoir et mettre à sa place son chef d’état-major, le général Mathias Doué [réputé proche des Français].
Dans les heures suivant l'attaque, les huit pilotes biélorusses ont été arrêtés à la frontière togolo-ghanéenne, puis transférés à Lomé. Étrangement, la France n'a pas souhaité les interroger. Faute de réaction de Paris, ils seront finalement relâchés deux semaines plus tard par les autorités togolaises.
Avec Reuters