Le remaniement ministériel annoncé jeudi marque la disparition du secrétariat d'État aux droits des femmes, mission désormais confiée au ministère de la Famille et de l'Enfance. Une annonce qui a suscité l'indignation de nombreuses femmes.
Le remaniement ministériel intervenu jeudi 11 février a réservé son lot de surprises, au rang desquelles la suppression du secrétariat d’État aux droits des femmes pourtant cher à François Hollande. L’ex-candidat socialiste en avait fait la promesse lors de sa campagne présidentielle en 2012. Certes, la mission n’a pas totalement disparue puisqu’elle est intégrée à un nouveau ministère, celui "de la Famille, de l’Enfance et des Droits des femmes", mais l’intitulé de ce portefeuille à rallonge, confié à l’élue socialiste Laurence Rossignol, a fait bondir plusieurs personnalités féminines par sa maladresse.
"N'est-ce pas enfermer les femmes dans le rôle stéréotypé qui leur est assigné depuis des siècles ? Celui d'épouse et mère ?" ont ainsi dénoncé dans un communiqué commun Danielle Bousquet, présidente du Haut Conseil à l'égalité, la centriste Chantal Jouanno, présidente de la délégation des droits des femmes au Sénat et Pascale Vion, du Conseil économique, social et environnemental. Toutes trois ont jugé "déconcertants" la formulation et le périmètre de ce ministère.
Moqueries des féministes
Dès jeudi soir après l'annonce du remaniement, l'association Osez le Féminisme a critiqué "le nouveau triptyque rétrograde du gouvernement". Sur Twitter, les Femen France ironisaient interpellant directement Manuel Valls et François Hollande : "Hey les mecs, vous n’auriez pas oublié la cuisine et le ménage ?" D’autres spécialistes du sujet, telle que la chroniqueuse Dom Bochel Guégan avaient décidé de rebaptiser ledit portefeuille, "Ministère du droit des femmes, de la famille et de l'enfant" (et de la cocotte minute ?)".
Les moqueries des défenseurs des droits des femmes marquent l'agacement grandissant de ceux-ci devant la place, de plus en plus étroite, accordée à la situation des femmes au sein des gouvernements successifs sous la présidence de François Hollande. La déception est d’autant plus vive que l’ex-candidat socialiste avait fait du sujet l'une de ses promesses de campagne, suscitant beaucoup d’espoir en créant un ministère dédié aux droits des femmes en 2012. Aucun ministère n'avait tenu ce rôle depuis presque trente ans. Mais en un quinquennat, le "ministère" est passé de "secrétariat d’État" à une mission rattachée au "ministère de la Famille".
Un portefeuille devenu peau de chagrin
En 2012, Najat Vallaud-Belkacem, alors première ministre aux Droits de la femme depuis 1985, avait déjà peu de temps à accorder à son portefeuille, combinant le poste de porte-parole du gouvernement pendant la même période. La nomination d’une inconnue, Pascale Boistard, à sa place au poste de secrétaire d’État aux droits de la femme deux ans plus tard avait désappointé les associations féministes, sans compter que peu de dossiers ont avancé depuis 2014, hormis le plan de lutte contre le harcèlement dans les transports en commun. Sous l’ère Vallaud-Belkacem, la ministre était parvenue à proposer pour la première fois des sanctions financières contre les entreprises ne respectant pas la loi sur l’égalité salariale et de nouvelles mesures pour accentuer la lutte contre les violences.
Si la nouvelle ministre part avec un a priori négatif à cause des maladresses liées à la formulation de son portefeuille, son profil a pourtant de quoi rassurer. À 58 ans, Laurence Rossignol a la réputation d’être une féministe convaincue et une connaisseuse des problématiques. Sénatrice de l’Oise, elle est membre de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances et elle a été rapporteuse de la loi sur la lutte contre le système prostitutionnel lors de sa première lecture au Sénat.
"Je sais très bien que les droits des femmes sont un sujet transversal, qui ne se limite pas aux questions de la famille et de l’enfance", a répondu Laurence Rossignol aux milieux féministes qui la connaissent déjà bien, notamment pour ses tweets engagés. "Je demande aux féministes de me faire confiance" a-t-elle assuré. "Je vais continuer à être une féministe avec une vision moderne de la famille et des enjeux pour les femmes", a de nouveau insisté la ministre sur BFM-TV. Reste que pour satisfaire ces attentes, Laurence Rossignol n’aura que très peu de temps pour agir durant les quatorze mois restant avant la prochaine élection présidentielle.