Renault est depuis deux jours chahuté en Bourse après les révélations sur ses dépassements des normes anti-pollution. Mais la ministre de l'Écologie, Ségolène Royal, assure qu’il ne s’agit pas d’un cas de fraude. Comment est-ce possible ?
Après un jeudi noir, l’action en Bourse de Renault a continué de chuter de plus de 3 % en ce vendredi 15 janvier. Une baisse moins marquée, après avoir perdu plus de 10 % la veille. Les investisseurs ne semblent avoir été que modérément rassurés par les déclarations de la ministre de l’Écologie, Ségolène Royal, sur les dépassements des normes anti-pollution et les raisons d’une perquisition de la répression des fraudes au siège du constructeur français le 14 janvier.
Dans un entretien accordé au Parisien jeudi soir, la ministre assurait qu’aucun logiciel fraudeur n’avait été retrouvé dans les véhicules Renault, éloignant le spectre d’un scandale à la Volkswagen. Mais Ségolène Royal a reconnu que la marque au losange était le seul constructeur français dont les émissions testées dépassent les niveaux légaux.
Des conditions de test qui remontent à 1997
En l’absence de trucage, comment expliquer le carton rouge décerné à Renault par la commission indépendante voulue par le gouvernement pour contrôler les véhicules d’une dizaine de constructeurs ?
Les experts ont effectué des relevés dans des conditions réelles qui peuvent différer des contrôles en laboratoire. Les données affichées pour le public par les constructeurs sur la consommation de leur voitures reposent sur des tests d’homologation “qui essaient de prendre en compte un fonctionnement moyen d’un véhicule toute sa vie. Mais ils ne correspondent plus forcément à la réalité de la conduite aujourd’hui”, explique Christine Roussel, chercheuse en combustion moteur au CNRS.
>> À lire sur France 24 : "Après le scandale Volkswagen, Renault défend toujours sa bonne conduite"
En effet, ces tests simulent un certain nombre de cycles de conduite en campagne, d’autres en ville ou sur l’autoroute selon des critères fixés en 1997. Il suffit qu’un conducteur de 2015 passe davantage de temps en ville, où les accélérations et décélérations sont plus fréquentes, pour que la consommation de carburant - et donc la pollution - soit plus élevée que lors des tests d’homologation.
Reste à savoir à quel point Renault dépasse les seuils de pollution autorisés. Une différence trop élevée pourrait difficilement uniquement s’expliquer par un cycle d’homologation dépassé. La commission “Royal” ne précise pas cette donnée car il ne s’agit pas, pour l’instant, des résultats définitifs.
"Dépassements extrêmes techniquement" difficiles à expliquer
Mais Renault avait déjà été épinglé l’an dernier pour des dépassements des normes européennes sur certains de ces modèles. Les émissions d’oxydes d’azote (NOx, l’un des principaux polluants des voitures) de la Renault Espace 1.6 dCi avaient ainsi été jusqu’à 25 fois supérieures au seuil autorisé, selon une étude de l’Université de Berne pour le compte de l’association allemande de protection de l’environnement “Deutsche Umwelthilfe”. “Ces dépassements sont extrêmes et je ne peux pas me les expliquer techniquement”, affirme à France 24 Axel Friedrich, un expert automobile allemand indépendant qui a participé à l’élaboration de certains tests d’émissions européens.
Une explication pourrait venir de la Réduction catalytique sélective (RCS). Ce terme barbare désigne la technologie qui réduit pour les véhicules diesel la teneur en NOx des gaz lorsqu’ils passent dans le pot d’échappement afin qu’ils restent dans les clous réglementaires. “Renault n’a pas investi autant que d’autres, comme Citroën, dans le diesel et son procédé de RCS n’a peut-être pas fonctionné lors des tests de l’université de Berne”, explique Christine Roussel. Une défaillance qui pourrait expliquer des différences très importantes puisque la RCS peut capter jusqu’à 90 % des émissions d’oxydes d’azote.
Mais ce n’est qu’une hypothèse et le rapport de l’université technique de Berne liste une dizaine d’autres méthodes moins avouables que des constructeurs ont pu utiliser pour faire “comprendre” à la voiture qu’elle est en situation de contrôle technique et adapter sa consommation pour moins polluer. Le logiciel de bord peut ainsi déceler si le GPS n’enregistre pas de changement de position géographique, s’il n’y a que deux roues sur quatre qui tournent etc. Pour Axel Friedrich, le plus simple serait “que Renault ouvre son logiciel pour prouver qu’il n’y a rien de ce côté”.