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"Bang Gang" : petites mœurs entre amis

À travers les frasques sexuelles d’une bande d’insouciants ados, "Bang Gang" dresse le portrait d’une jeunesse biberonnée à la culture porno. Mais sous ses airs incandescents, le premier long-métrage d’Eva Husson tient un discours plutôt sage.

Longtemps les ados se sont couchés de bonne heure. Au cinéma en tous cas, où l’âge ingrat a, des années durant, attendu sagement que jeunesse se passe en buvant des diabolos menthe dans les cafés ou, pour les plus audacieux, en flirtant gentiment avec les camarades du lycée lors d’impayables booms organisées dans l’appartement des parents partis en week-end.

Autre temps, autres mœurs. Le temps d'une Sophie Marceau faisant son éducation sentimentale sur le slow "Reality" est révolu. Sous l’impulsion de l’avant-garde américaine au milieu des années 1990 (Larry Clark, Harmony Korine…), le cinéma a peu à peu exploré l’adolescence non plus côté cœur mais côté frasques. Jusqu’alors domaine réservé des adultes, la drogue (beaucoup), le sexe (passionnément) et le rock’n roll (un peu) sont devenus, au cinéma, des vecteurs d’apprentissage pour la jeunesse, qu’elle soit miséreuse ou dorée.

C’est dans cette veine incandescente que tente de s’inscrire la Française Eva Husson, avec son premier long-métrage "Bang Gang", que l’on nous dit inspiré de faits réels. Le film se passe dans une zone pavillonnaire baignée par les lumières printanières du Sud-Ouest de la France. Après les cours au lycée, Alex, Laetitia, Nikita (c’est un garçon) et George (c’est une fille) se retrouvent régulièrement dans une grande bâtisse bourgeoise pour y organiser des fêtes dionysiaques. On y boit, on y fume, on y danse et, surtout, on y fait l’amour. À peu près partout et avec n’importe qui. La maison devient alors le lieu d’un apprentissage sexuel débridé qui se suit à l’abri du regard désapprobateur des adultes, mais sous l’objectif des téléphones portables (génération internet oblige).

Les scènes de sexe sont filmées avec une grâce volontairement sensuelle (et parfois même complaisante) qui entend se dissocier de l’esthétique crasse de la culture porno à laquelle se nourrit cette jeune génération. Loin de la noirceur d'un film de Larry Clark, "Bang Gang" exalte les corps et essaie de magnifier, en dehors de toute psychologie, la fièvre irrationnelle de leurs actes, laissant au spectateur le soin de deviner ce qui les pousse à s’y adonner : tromper l’ennui, braver l’interdit, se sentir désiré(e), rendre un ex jaloux ou, tout simplement, jouir sans entraves.

Mais sous ses dehors cools et décontractés (portés par un musique électro furieusement moderne), le teen-movie d’Eva Husson tient, au bout du compte, un discours plutôt sage pour ne pas dire conservateur. Afin de ne pas révéler l’intrigue, on dira seulement qu’il faudra qu’un châtiment quasi divin vienne s’abattre sur l’insouciante bande pour qu’elle se rende compte de l’immoralité de ses petits jeux. Parce qu’elle a finalement grandi trop vite, nous dit le film, cette adolescence hyper-sexuée ne trouvera son salut qu’en réintégrant le giron familial ou en menant une vie de couple bien rangé. Si jeunes et déjà si adultes.