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Assiégée et affamée par le régime syrien, la ville de Madaya meurt de faim

Vers la fin du calvaire des habitants de Madaya ? Le régime syrien a autorisé l'ONU, jeudi, à acheminer une aide humanitaire à cette ville assiégée depuis 3 mois par l’armée. Livrés à eux-mêmes, ses 40 000 habitants risquaient la famine.

Assiégés depuis trois mois par les troupes du président Bachar al-Assad, les 40 000 habitants de Madaya, petite ville syrienne proche de Damas et de la frontière libanaise, sont menacés par la famine. Leur calvaire pourrait prendre fin, puisque l’ONU a fait savoir jeudi 7 janvier dans un communiqué que le régime syrien avait autorisé l’accès à la ville, et que les Nations unies se préparaient "à fournir une assistance humanitaire dans les prochains jours".

Livrés à eux-mêmes, les habitants de Madaya se nourrissent d’herbes et de feuilles d’arbres et épanchent leur soif avec de l’eau salée parfumée aux épices. Faute de ravitaillement, le prix du kilo de riz ou de lait en poudre, vital pour les nourrissons, peut atteindre des sommes aberrantes, jusqu’à 300 dollars, selon des témoignages recueillis par des activistes syriens.

>> À lire sur les Observateurs de France 24 : "À Madaya, 'les bébés sont nourris avec de l’eau et du sel'"

"À cause de la malnutrition, beaucoup de personnes ont contracté des maladies parce qu’au fil des jours, leur système immunitaire s’est beaucoup affaibli, confie aux Observateurs de France 24 Amer Bourhan, un médecin basé dans la ville voisine de Zabadani, en contact avec l’un de ses confrères à Madaya. Jusque-là, il y eu 47 décès dus à la malnutrition". Selon lui, il n’est pas rare de voir des gens s’évanouir en pleine rue. "La semaine dernière, il y a eu 50 cas d’évanouissements", affirme-t-il.

Food prices have hit the records 1kg of cereals and rice cost at least 100$ #Madaya_is_starving #Madaya #Syria pic.twitter.com/uWYgLvzDPg

— Raed Bourhan (@raedbrh) 2 Janvier 2016

D’après le bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha), "environ 42 000 personnes se trouvent au bord de la famine à Madaya et l'ONU a reçu des rapports crédibles sur des personnes qui meurent de faim et qui ont été tuées en essayant de quitter la ville". Cette situation déjà très critique risquait d’empirer depuis que l'hiver s'est installé dans cette région située à plus de 1 300 mètres d’altitude, alors que les habitants ne peuvent plus se chauffer, faute de bois ou de mazout.

L'ONU obtient un accès à Madaya

Mais il semble que Damas ait cédé à la pression médiatique et au tollé international provoqués par une campagne orchestrée via les réseaux sociaux par des activistes syriens. Depuis plusieurs jours, des vidéos et des photographies, dont certaines n’ont pas été authentifiées, d’hommes et d’enfants squelettiques et affamés, parfois décédés, ont largement circulé sur les réseaux sociaux. Une vidéo montrant notamment un jeune enfant rachitique affirmer qu’il n’avait plus mangé depuis une dizaine de jours a provoqué l’indignation des internautes.

Face à l’étendue de cette crise humanitaire, Paris avait condamné mercredi le siège imposé par l’armée syrienne à la ville. "La France appelle à la levée immédiate de ce siège et à l'accès d'urgence de l'aide humanitaire à Madaya et à toutes les zones assiégées en Syrie", a déclaré le porte-parole du Quai d'Orsay Romain Nadal.

Jusqu’ici, Madaya n'avait reçu qu'une seule fois de l'aide. Et ce, alors même qu’un accord, jamais respecté, avait été conclu en septembre pour permettre l'entrée de l’aide et l'évacuation des blessés. "Madaya a été ravitaillée pour la dernière fois le 17 octobre dernier avec 3 900 rations alimentaires, assez pour nourrir plus de 19 000 personnes pendant un mois. Depuis, aucune aide alimentaire ou humanitaire n'a pu parvenir dans ce secteur comme prévu", a indiqué le Programme alimentaire mondial des Nations unies (PAM).

Encerclés et affamés depuis l’été

"Les gens sont depuis trop longtemps sans aliments de base, sans médicaments de base, sans électricité ni eau (...) J'ai réellement vu la faim dans les yeux des gens", a expliqué de son côté Pawel Krzysiek, porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui était présent sur place lors de la dernière livraison d'aide en octobre. Et d’ajouter : "Ils nous suppliaient pour avoir du lait pour bébé (…), ils disaient que les mères ne produisent plus de lait (...) Il n'y a pas moyen de nourrir les nouveau-nés et les jeunes bébés".

Le supplice de Madaya a débuté il y a six mois, après le début de l’offensive lancée en juillet par l’armée syrienne et les combattants du Hezbollah libanais contre Zabadani, une bourgade avoisinante contrôlée par une coalition de rebelles islamistes. De leur côté, ces derniers ont répliqué en durcissant le siège de Foua et Kefraya, deux villages majoritairement peuplés de chiites de la province d’Idleb (Nord-Ouest). L’ONU a fait savoir qu’une aide humanitaire serait acheminée à ces deux localités privées de ravitaillement, en même temps que celle qui prendra la direction de Madaya.

Pris en otage, les habitants qui se sont risqués à sortir de Madaya pour chercher des vivres ou tout simplement s’enfuir l’ont fait au risque de leur vie. Et pour cause, les routes et les chemins menant à la bourgade ont été piégés par des mines, barrés par des fils barbelés et placés sous la surveillance de snipers chargés de faire respecter le blocus imposé aux civils. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), 13 personnes ont perdu la vie dans ces conditions après avoir tenté de quitter la ville. D’autres ont été gravement blessées par l’explosion de mines, selon le docteur Amer Bourhan.