La Chine prévoit d'expulser la correspondante de "L'Obs", Ursula Gauthier, après un article critique sur la politique chinoise. Sur France 24, la journaliste dresse un bilan qu'elle juge "inquiétant" de la liberté de la presse en Chine.
"Les autorités chinoises m'accusent de soutenir le terrorisme". C'est le constat que fait Ursula Gauthier, la correspondante à Pékin de l'hebdomadaire français "L'Obs", qui a été informée qu'elle serait expulsée le 31 décembre, date de fin de sa carte de presse chinoise, si elle ne s'excusait pas pour un article où elle critiquait la politique de Pékin.
"Un communiqué du ministère des Affaires étrangères est tombé aujourd'hui [samedi 26 décembre, NDLR]. Il affirme que je n'ai pas ma place en Chine" a-t-elle expliqué par téléphone à France 24.
"Des tentatives d'amalgames sur le terrorisme"
En cause, un article où la journaliste faisait le parallèle entre les attaques meurtrières du 13 novembre à Paris et les réactions des autorités chinoises. Ursula Gauthier y décrivait les mesures répressives et la politique "antiterroriste" des autorités chinoises au Xinjiang, région en proie depuis deux ans à une recrudescence de violences. C'est le berceau de la minorité musulmane turcophone des Ouïghours, dont beaucoup dénoncent des discriminations ethniques, culturelles et religieuses grandissantes à leur encontre.
"J'ai fait l’analyse des différentes déclarations des autorités en expliquant qu’il y avait une tentative d’amalgames [entre ce qu'il s'est passé en France et le terrorisme en Chine, NDLR]. Il y a bien du terrorisme en Chine, particulièrement des extrémistes Ouïghours, mais aussi une violence interethnique qu’on ne peut pas assimiler à du terrorisme. Cette analyse a profondément déplu", explique Ursula Gauthie.
À cela, Pékin lui a répondu qu'il y avait "une nécessité de ne pas faire deux poids deux mesures, et que la Chine est exposée aux mêmes problèmes que la France".
it"Le musellement de la presse étrangère, une nouvelle étape"
Pour l'heure, si la rédaction de "L'Obs" a affiché son soutien sans faille à la journaliste, Ursula Gauthier regrette le peu de soutien venant de Paris. "Je regrette que les autorités françaises ne soient pas plus franches, je n'ai reçu qu'un soutien d'ordre symbolique pour l’instant".
Interrogée sur l'état de la liberté de la presse dans le pays où elle travaille depuis six ans, Ursula Gauthier dresse un constat alarmant : "Une frange indépendante de la presse et des blogueurs a été mise au pas, au même titre que des avocats et défenseurs des droits de l'Homme qui s'exprimaient sur les réseaux sociaux. Maintenant, les autorités sont passées à une nouvelle étape : la presse étrangère est muselée sur des sujets considérés comme sensibles".
C'est le premier cas de correspondant étranger en Chine à faire l'objet d'une telle mesure depuis l'expulsion en 2012 de Melissa Chan, qui travaillait pour la chaîne de télévision Al-Jazira. Après avoir appris la nouvelle, le ministère français de la Culture a rappelé son "attachement à la défense de la liberté d'expression" et a affirmé chercher les voies d'un "dialogue" avec la Chine, qui permettrait de trouver une solution d'ici le 31 décembre.